Se sacrifier pour l'exemple...
Samo Hung, vous connaissez ? Oui, c'est ça, c'est le gros lard de la série "Le flic de Shanghai". Vous saviez qu'avant cela il était réalisateur ?
Tout comme "Zu, Les guerriers de la montagne magique", Blade of Fury est un de ces films Hong Kongais que j'aime d'une passion indéfectible, mais que j'ai du mal à faire partager tant son visuel et sa mise en scène est particulière et peu sembler rebutante pour le non initié. Oui, Blade of Fury est un film d'initié, qui pour être un tant soit peu apprécier, nécessite un certain entraînement au cinéma Hong Kongais et notamment à ses excès visuel.
Qu'on se le dise, si pour vous le très banal (en comparaison au reste de la prod HK) "Tigre et Dragon" est over too much, ce "Blade of Fury" n'est définitivement pas pour vous.
Le contexte historique et politique du film nous place dans la Chine de la fin du XIXème siècle, le film suit un ancien leader des pavillons noir du nom de Wong Wu, (rappelez-vous on en croise dans "Il était une fois en Chine") qui rejoint la cause du philosophe réformiste Tan Sitong, lui même soutenu politiquement par Yuan Shikai. C'est donc sur un fond politique très fort (inspiré de la réalité) que se base le film. Samo Hung nous présente des héros exalté qui croient en leurs idéaux politiques jusqu'au bout : Pas de compromis, cette révolution sera une réussite ou la mort !
Le film commence très fort, par l'assaut d'un camp japonais ou tout le monde fini en petit morceaux hachés menus et le général Japonais empalé sur son propre drapeau après avoir traverser le champ de bataille un sabre dans le ventre, tandis que dans le fond les personnages se déplacent en faisant des bond de kangourous... "Turkish Star Wars" n'est pas loin.
A l'image de cette scène d'introduction, le film balance constamment entre l'onirique le plus beau et le grotesque. La réalisation de Samo Hung semble sans cesse en train de casser les codes du Wu Xia Pian, pour raconter différemment la violence, la poésie, l'héroïsme.
Sur la majorité des combats les acteurs voltigent dans tout les sens. Le film multiplie les effets spéciaux à outrance, cables et trampolines cachés au risque de perdre toute crédibilité (et le public par la même occasion). Samo Hung multiplie les cadrages dynamiques, joue avec des focales déformantes, accélère et ralenti l'image à son gré. La caméra fait tantôt des mouvements amples et calme et tantôt portés à l'épaule, tandis que le montage multiplie ellipses et brutalité, faisant écho au sadisme des scènes d'actions.
Pas de doute Samo Hung fait sa révolution !
Au milieu de ces combats débridés (Blague, hommage à Michel Lebb), l'histoire est en marche, chaque personnage incarne une facette de l'homme : Wong Wu le courageux, Tan Sitong l'idéaliste, Yuan Shikai le politicien ambitieux et félon. Mais Samo Hung trouve aussi le moyen de caser d'autres figures moins manichéennes et issue de sa thématique propre. Pas de méchant Japonais de service (à part au début), les ennemis viennent de l'intérieur, ils sont les anciens alliés d'autrefois, à l'image d'un pays schizophrène au bord de l'implosion et qui va plus tard se déchirer en deux.
Il est aussi beaucoup question de transmission, à chaque personnage correspond un héritier spirituel à qui inculquer ses idéaux et un Némésis, aux idéaux politiques totalement inversé, évidemment.
Le film fait la part belle au relation platonique, Yeug Fan entretient ainsi une relation avec Rosamund Kwann mise en scène avec beaucoup de finesse et de poésie. La scène de leur rencontre est à ce titre merveilleuse, elle qui chante pour encourager le héros et lui rendre l'espoir qu'il a perdu au combat.
Le couple platonique que forment Ti Lung et Cynthia Khan, lorgne plus du côté comique, elle son élève ne cesse de l'interrompre quand elle parle mais sa compagnie lui étant si "agréable". Leur relation, tout dans le non-dit, prendra un tournant soudainement dramatique et émouvant, jusqu'alors inédit, lors de l'exécution de Ti Lung. Elle, les cheveux détaché, se jette à ses pieds et lui tend bêtement sa friandise préféré tout en pleurant, lui, condamné à mort, sourit pour la rassurer, elle parle trop, mais c'est ce qu'il aime chez elle ! Une rupture de ton sur le fil, qui contribue à rendre la scène très émouvante.
Véritable révélation du film, Yeung Fan, incarne un révolutionnaire sans concession au côté d'un Ti Lung fabuleux et habité par son rôle. Cynthia Khan et Rosamund Kwan échoue de beaux rôles féminins qui peuvent se targuer d'avoir un certain poids dans le film. Par la voix de ses acteurs, Samo Hung délivre un message politique à la Chine continentale, ses héros sont des exemple à suivre, leurs sacrifices finale ne sera d'ailleurs pas vain, Cao Ken,
l'élève de Wong Wu, unique survivant du combat final, continuera sûrement la lutte initié par son maître.
Voilà, vous l'aurez compris, malgré un scénario fort et une base historique passionnante, beaucoup de monde n'apprécieront que très peu les excès visuels du film. Dommage, ils passeront aussi à côté de toutes ces scènes incroyablement belles et poétique soutenu par une photographie chaude. Ils passeront tout simplement à côté d'un des diamants bruts du cinéma de Hong Kong et à mon avis du meilleur film de Samo Hung !