Blade Ruinneur
Denis Villeneuve est un metteur en scène qu'on apprécie. Sicario, Enemy, Premier Contact... la plupart de ses œuvres sont puissantes, et on sait le bonhomme capable de mettre une beauté plastique...
le 4 oct. 2017
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A l'heure où prolifèrent les blockbusters décérébrés, sans âmes et simplement divertissants (et encore...), il existe encore quelques exceptions qui redonnent de l'espoir quant à l'avenir du cinéma à grand spectacle. Cet espoir passe souvent par des têtes, des auteurs contemporains qui imposent leur style et qui ont une vision personnelle du cinéma.
Christopher Nolan est l'un d'eux.
James Gray est l'un d'eux.
Quentin Tarantino est l'un d'eux.
Et maintenant, Denis Villeneuve rentre parmi la catégorie des plus grands. Personne n'en doutait vraiment, suite à sa percée incroyable avec Prisoners, Enemy, Sicario et Premier Contact. Mais ici, il s'attaque non seulement à un pilier de la science fiction, mais aussi à toute l'industrie cinématographique hollywoodienne. Et Villeneuve fait un doigt d'honneur magistral à Holywood. Il montre à tous ce que c'est une véritable suite, ce que c'est un film de science fiction, ce que c'est un film intelligent et bien scénarisé, ce que c'est un film esthétiquement parfait, ce que c'est un chef d'œuvre en soit.
Parce que c'est ce qu'est Blade Runner 2049 : un chef d'œuvre. Personne n'aurait pu penser qu'une suite d'un film culte intouchable pourrait être du même acabit, si ce n'est même surpasser l'œuvre originale. Pourtant, c'est le cas : le cinéaste canadien ne s'empare pas seulement de l'univers complexe et riche de Blade Runner, mais il l'étoffe, il ajoute sa patte. Ça ne l'intéresse pas de copier le style et la trame du premier film. Ça ne l'intéresse pas de reprendre les mêmes thématiques exactes que le premier film. Non, Villeneuve veut faire son film, et il le fait. Bien entendu, il reprend en grande partie ce qui fait la force du premier métrage (le rythme, l'esthétique globale, les thèmes sur l'intelligence artificielle, le cadre, certaines pièces du premier film aussi) mais il intègre parfaitement ses éléments au sein de son propre métrage. Et c'est réellement somptueux.
Ainsi, on ne s'embête pas de savoir les origines de K. Dès le début, on sait que c'est un réplicant et jamais le film ne va essayer de perdre le spectateur et lui amener la confusion. Parce que Villeneuve ne veut pas reproduire le même film, il veut créer le sien. Le protagoniste principal n'a rien à voir avec Deckard, et c'est tant mieux! De même, Villeneuve ne souhaite pas répondre aux problématiques posées dans le premier opus, et il a raison. Il continue de faire douter de l'existence naturelle de Deckard à travers les questionnements de Wallace sans pour autant imposer une réponse, comme dans le premier film. Villeneuve s'empare vraiment de la mythologie de l'œuvre originale, en évitant de la dénaturer et en apportant des choses en plus.
Difficile de parler de Blade Runner 2049 sans évoquer la direction artistique, de la réalisation de Villeneuve à la photographie de Deakins. Visuellement, cette suite est parfaite. Villeneuve réussit à intégrer les aspects visuels du film de Ridley Scott tout en ajoutant ses propres ingrédients, et Deakins se charge de les sublimer. Parce que oui, Blade Runner 2049 est un chef d'œuvre des techniques. Il n'y a pas grand-chose à redire tellement la perfection est atteinte, et ça se voudrait presque triste de se rendre compte que ce n'est pas surprenant. A vrai dire, le metteur en scène nous avait habitué à un tel niveau d'excellence avec ses précédents films, mais ici il atteint un niveau encore plus important. Si Deakins n'a pas son Oscar, c'est que l'Académie est vendue aux mains de pourris sans goût (ce qui est en soit déjà le cas). La bande originale du film sublime les images, c'est avant tout une musique d'ambiance, différente de ce que proposait Vangelis. Zimmer n'est pas très inspiré mais cela suffit amplement dans le visionnage du film (mais c'est presque impossible de l'écouter à part).
Mais contrairement à ce à quoi on pouvait douter, cette suite ne fait pas que dans l'esthétique mais propose aussi un scénario construit et habile. Villeneuve nous met toutes les clés en main pour comprendre tout son récit. A contrario d'un Seven Sisters, Blade Runner 2049 ne fait pas dans le twist inutile ou dans le renversement de situation grotesque et inintéressant. Non, parce que ce n'est pas ça qui caractérise un bon film de science fiction. Mais plutôt le développement des personnages. La lutte d'identité du héros. Les bouleversements psychologiques du protagoniste. Toutes ces choses que le cinéma hollywoodien actuel semble totalement oublier. Et pourtant, Villeneuve est là pour nous le faire rappeler. Ainsi, le métrage ne s'embête pas avec des éléments cachés ou des devinettes pour le spectateur attentif. Sans toutefois expliciter son message, le film ne veut pas se prétendre plus complexe qu'il ne l'est malgré le fait qu'il aborde un nombre incalculable de thématiques intéressantes (qu'il exploite jusqu'au bout). Cet aspect scénaristique est amplifié par le rythme et l'ambiance du film, qui participent énormément à son appréciation. A l'instar d'un Sicario, Blade Runner 2049 est plongé dans une tension continue, comme pour rappeler qu'on peut faire dans le suspens sans en faire des caisses. D'une durée relativement importante de 2h45, le métrage n'ennuie pas une seule seconde : il déchaîne les passions plus qu'il n'endort les foules. Alors oui, le spectateur lambda dorloté par des films survitaminés comme le dernier Kingsman risque de ne pas aimer
Où qu'il est mon film d'action ?
mais honnêtement, ça fait du bien de voir un film qui sait ce qu'il entreprend et qui arrive à être intelligent tout en divertissant.
Blade Runner 2049 c'est aussi le retour d'anciennes têtes, dont celle d'Harrison Ford, qui arrive à humaniser son personnage bien plus que dans l'œuvre originale. Et de manière générale, chaque acteur du film s'en sort à merveille : Ryan Gosling fait du Ryan Gosling, il ne s'évertue toujours pas à avoir plein d'émotions mais ici c'est plus que justifiable et il porte sur ses épaules le film entier. Ana de Armas, Jared Leto et Sylvia Hoeks s'en sortent à merveille aussi.
Magnifique et tétanisant, les qualificatifs élogieux ne manquent pas pour parler de Blade Runner 2049. Villeneuve a écarté tous les soupçons concernant son génie et s'impose désormais comme le cinéaste le plus à suivre. Tantôt chef d'œuvre visuel, tantôt passionnant scénaristiquement, le métrage n'a rien à envier à son prédécesseur. Peut être faudra-t-il du temps avant que le film soit reconnu comme pilier de la science fiction contemporaine, mais il l'est indéniablement.
Durendal n'a pas aimé, c'est bon signe.
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Créée
le 23 oct. 2017
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