On peut trouver l’exercice de style bien futile et au final très prétentieux. Mais Pablo Berger parvient surtout, par une double revisite, à montrer l’universalité émotionnelle et esthétique de l’Ancien. En réutilisant tous les artifices, presque désuets, des films muets des débuts de l’histoire du cinéma, il prouve tout d’abord combien il est génial et difficile de rendre compte d’une histoire si complète sans sons ni réels dialogues. Il laisse ainsi le talent de ses comédiens s’exprimer et ressentir la difficulté qu’est l’absence de paroles. Il prouve aussi la totale actualité que peuvent avoir les films de cette époque et leur effet toujours sincère sur le public. Image léchée et moderne, jeu sur les cadrages, les lumières, noir et blanc superbe, le film est d’une beauté plastique troublante et, sans ôter aucunement de la force à son récit, assume parfaitement son aspect ultra photographique et pictural.
La vieillesse n’est donc pas un défaut et le réalisateur nous le rappelle avec brio ; son film est terriblement touchant, notamment grâce à ce conte archi-connu qu’il donne à redécouvrir. Proposant une large mais crédible adaptation de Blanche-Neige, l’espagnol rappelle ici l’universalité des contes et remet aussi en mémoire leur cruauté et leur tragique. Sans être aucunement malsain ou glauque (comme on souvent tendance à l’être les adaptations contemporaines de contes anciens), il place son récit dans un début de XX° siècle auquel le noir et blanc va si bien et l’inclue avec brio dans une culture espagnole bien marquée (le flamenco, la corrida, etc.) et dans un univers du cirque aussi comique que touchant, donnant à voir un croisement hybride et presque anachronique très singulier. Et tout est magnifié (s’il en était besoin) par une bande originale sublime, en parfaite adéquation avec l’image (les instruments jouent pour remplacer les bruitages), tenant avec brio son rôle de seule source sonore du film.