Depardieu aura fait son lot d’expérimental : il n’a pas un grand rôle ici mais on est dans le même genre de film épico-historique déjanté que Vidocq. Et comme Vidocq, c’est un film mal-aimé que j’ai envie de défendre. Pas pour les dialogues, même s’ils tiennent de ces textes intraduisibles dont la valeur s’adresse avant tout aux francophones, mais plutôt parce que Bernie Bonvoisin fait honneur à son nom bilingue de rockeur (presque aussi délirant que Bernie Laplante) en américanisant la France de Mazarin autant qu’il peut : musique dzoing dzoing de western, portes battantes de saloon et manières de cowboys seront les valeurs de ces bourgeois libidineux et paysans révoltés qui gouaillent dans la langue d’aujourd’hui.
C’est donc un paysage hard rock et anachronique qui s’étend devant nous. Comme je me fais l’avocat du diable, je préfère placer ma concession tout de suite : Bonvoisin tente de reproduire son univers musical au septième art, et s’il est assez inspiré dans le traitement absurde et décalé qu’il en offre, il ne donne pas une seule seconde l’impression d’être à sa place. Les dialogues, d’abord étonnants, se révèlent répétitifs et fragiles sur le long cours. La critique sociétale est téléportée du temps du Roi-Soleil comme s’il voulait réécrire l’Histoire en fonction de ses vues actuelles. Enfin, l’histoire avec un petit h ne sait pas choisir entre des inserts humoristiques (et pas si mauvais) et une continuité pimpante qui, au final, brillera par son absence.
Ceci étant, Bernard Goodneighbour crée un surréalisme qu’il n’a pas pu tirer seulement de son bagage musical, et rien que cela lui donne une bonne légitimité derrière la caméra. Caméra qui d’ailleurs semble dotée d’une personnalité, car elle s’accorde toujours avec le ton du discours : violente, nerveuse, curieuse, bref : elle n’est pas considérée comme un simple outil et ses propres mouvements jouent un rôle. Pour le reste, il doit beaucoup à un casting puissant qu’il était visiblement incapable de diriger mais qui délivre ses lignes avec le mélange de grande pompe et de hargne qui va parfaitement avec le mood parodique. José Garcia en Louis XIV maniéré, aussi encanaillé que le César de Serrault chez Jean Yanne, rivalise en cultissimité avec le Mazarin jurant et blasphémant de Rochefort.
Le film de Boivoisin a surpris, je crois, parce que personne ne s’attendait à ce genre de résultat et qu’il est difficile d’accepter qu’une œuvre si objectivement médiocre arrive aux portes du film culte. Mais quant à le basher, il y a quand même un pas. Je vois des circonstances atténuantes dans quelques réussites qui compensent l’acinématographie, et l’effet de surprise ne s’allie pas mal avec une attitude régicide (du régisseur, donc) certes déplacée mais pas totalement ignorante.
→ Quantième Art