Blanche Gardin - Bonne nuit Blanche par Christine Deschamps

Alors, bon, commençons par des précautions oratoires : j'ai toujours détesté les comiques. Et les poupées. Et les clowns. Pour d'obscures raisons, je trouve ces trois catégories extrêmement lugubres. De ce fait, je décoince rarement le moindre sourire quand on me raconte une blague, c'est pénible pour tout le monde. Donc, si vous a-do-rez l'humour (ou Blanche Gardin, qui, au demeurant, a l'air bien sympathique), n'allez pas plus loin, je vais vous énerver. Ceci dit, quand même, une fois tous les 2 ou 3 ans, je me demande si, la nécessité créant l'organe, je n'aurais pas vu croitre, à mon insu, la bosse de la drôlerie et je me flanque inconsciemment devant une comédie (française les jours de grande intrépidité) ou le spectacle d'un humoriste. Mais ça, c'est encore plus rare que les comédies; le dernier remonte à une représentation de Ils s'aiment, avec Palmade et Laroque, à Auxerre il y a plus de 20 ans. Malgré tout, ça me titille un peu quand des noms reviennent dans les conversations de gens joviaux autour de moi, et j'avais capté celui de Blanche Gardin à la volée, plusieurs fois, ne me demandez pas quand. Une critique élogieuse de mon journal télé plus tard, j'enregistrais cette chose intrigante nommée "Bonne nuit Blanche". Bon, bel effort, jolie fraîcheur d'esprit de ma part, mais, on s'en doutait, nouveau fiasco désastreux. Loin de me désopiler à la demande, j'ai ruminé ma disgrâce pendant les deux heures interminables, coupées de pubs horripilantes, du spectacle. Que je m'explique : une quadra un peu revêche en robe de reine des Schtroumfs se plante là, sur ses talons, devant un mur peint en noir sur lequel on ne voit plus que les radiateurs qu'une autre couche de noir essaie de camoufler en vain. Un décor hideux que quelques ballons de baudruche multicolores peinent à faire oublier. Et voilà la nana qui se met à nous parler sur un ton monocorde, avec l'air de ne pas y toucher, de sujets divers, apparemment peu liés les uns aux autres (comment elle retient son texte, mystère, ça n'a ni queue ni tête... elle est fortiche !) et, pour tout dire, franchement inintéressants. Enfin, ils pourraient éventuellement l'être traités d'une autre façon. Sur France Culture, par exemple. Parce qu'elle ratisse large : la Manif pour Tous, le viol (gros sujet de marrade, visiblement), la ménopause, la phallocratie, et tous ces petits riens qui font le sel des conversations de bistrot entre vagues connaissances. Se dit-elle dans son for intérieur qu'elle contribue à pourfendre le cliché et la médiocrité ambiante ? J'espère qu'au moins, c'était son propos; rien n'est moins sûr. Et vas-y qu'elle débite ses banalités avec son petit air pince-sans-rire tandis qu'un public complaisant s'esclaffe dès qu'elle fait une pause. A ma grande incompréhension. Ces gens sont-ils engagés pour rire ? Elle les tacle toutes les 5 minutes... comprennent-ils seulement le français ? Le mystère reste entier. A la loooongue (comptez bien une heure trente), la locutrice s'échauffe à peine (elle décolle un pied, si si, c'était bref mais je l'ai vu distinctement !) et le seul indice qu'on assiste là au crescendo qui va mener à une apothéose de conclusion, c'est l'envol de sa grossièreté. Bon, on peut concevoir que le gros mot échappé à une dame patronnesse aura davantage d'impact que mes chapelets de jurons au volant, mais là, l'évocation impromptue et crue de son vagin ne suffit quand même pas à provoquer un évanouissement d'émotion. A vrai dire, à ce stade, je commençais sérieusement à concevoir du ressentiment contre un pareil manque d'égards; je me sentais prisonnière d'une locomotive soviétique n'excédant jamais les 30 kilomètres à l'heure sur un trajet transcontinental. J'ai des tas de copines cent fois plus spirituelles et marrantes que ça qui devraient reconsidérer la manière dont elles gagnent leur vie dans des établissements scolaires ou des officines de notaire. Bref, je suis restée là, à grogner en attendant une apothéose qui n'est jamais venue et la fin du spectacle est arrivée non pas comme une délivrance mais une porte claquée dans mon nez. Résultat: il va falloir attendre 25 nouvelles années avant que l'envie me prenne à nouveau de voir si je peux partager avec mes contemporains des sujets d'hilarité.

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le 26 nov. 2021

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