Concentré de tout ce qui se fait de pire à l’heure actuelle, Blink Twice a une audace : sortir en salles. On l’aurait bien vu rejoindre le catalogue putassier d’une plateforme, à côté d’un Saltburn par exemple, pour alimenter encore plus rapidement en extraits « chocs » prélevés par les internautes « choqué(e)s » et avide de participer à un potentiel buzz.
Le premier film de Zoë Kravitz surfe donc sur les tendances du moment, recycle les thématiques A24 et déplace les classiques enjeux du film d’horreur sur l’île d’un milliardaire, où les demoiselles invitées pour passer du bon temps vont se rendre compte que tout a un prix. Un fond à la Midsommar, une aliénation lorgnant du côté de Get Out, et c’est à peu près tout. Le reste accumulera les tics formels, très laborieusement singés dans un montage aux fraises (mais vous comprenez, c’est du POV t’es sous substance), une photo saturée dégueulasse (mais vous comprenez, c’est pour dénoncer une esthétique du filtre Insta qui cache la vraie vérité bien moins glamour), des prises de vues outrées (longues focales, contre plongées, inserts improbables – mais vous comprenez, c’est de la dissonance expressionniste), des symboles qu’un collégien n’aurait même pas employer au second degré (du type phallus en pierre brisé pour assommer le patriarcat) et une bande son qui vous vrombit, à chaque séquence, que le mal rode en coulisses.
Après un premier acte interminable de fêtes trop belles pour être vraies, et qui vendent tout sauf le rêve frelaté d’un farniente de millionnaires défoncés, la bascule censée nous précipiter dans les abîmes de l’horreur fait long feu : les personnages seront autant ineptes en victimes qu’en stratèges revanchardes.
Et s’il fallait chercher du fond, on passe de l’ennui embarrassé à un dégoût qui n’a rien à voir avec celui que le film cherche à provoquer.
Car dans cette intrigue se présentant comme une revanche des badass face à l’insoutenable violence du patriarcat, le réel n’est qu’un vivier à ressorts bien putassiers. L’île d’Epstein transformée en cadre solaire qui finira de toute façon en flammes, et toute la thématique du GBH, béquille d’un scénariste apprenti qui exploitera avec indécence la question de l’amnésie, et un regard binaire sur les sexes, où le rite initiatique consiste non pas à s’émanciper, mais à prendre la place du milliardaire, parce que le bonheur, on sait où il est : au top, « success is the best revenge », au centre du plan pour un regard caméra qui a tout du selfie.
La médiocrité formelle du film aurait pu le condamner à l’oubli ; la colère générée par son fond lui réservera une place de choix dans les flops de l’année.