Je crois pas que ça thai, Landers..

Blissfully Yours n'a que peu de choses à voir avec Mark Landers mais ce jeu de mots était nécessaire au tapin qu'il doit opérer sur votre oeil afin que sa mission soit complétée. Votre curiosité ainsi amorcée, qu'est-ce donc Blissfully Yours outre un film "méga méga-cool" et un hymne à la débandade hippie? Un film long et chiant réalisé par un zoulou au nom piégé dont le seul but était de vous faire passer pour un simple et parfait imbécile lors d'un diner mondain où vous souhaiteriez ressortir de vos musettes des références exotiques alors que vous dégustiez un superbe poulet tandoori (notez que le poulet tandoori n'est pas un plat thai mais indien)? Je pense que -inspirez- Apichatpong Weerasethakul a fait un film très intéressant, d'où ma note me diriez-vous.
Vous auriez raison de dire que c'est un film lent où il ne se passe pas grand chose mais contre preuve du contraire, rares sont les vies folles où à chaque minute une nouvelle explosion, rencontre avec une femme fatale se produit. Il y a chez Weerasethakul une réelle économie, qui sert complétement le film, dans le montage, les plans (des plans assez longs dans l'ensemble auxquels le film doit cette appellation de "film escargot") ou ne serait-ce que la variété des décors ou le nombre d'acteurs.


Ce que je vais vous dire ci-dessous, relève de la pure analyse et interprétation que je me suis fait du film et selon une méthode très simple, j'ai pu soutirer à ce film trois axes de réflexion:
- le malaise des villes
- les relations humaines
- le retour à la nature


Le malaise des villes, ou ce que je nomme ainsi, c'est cette obligation qu'a l'individu d'exister légalement et/ou officielement devant l'Etat afin de prendre part à la société hantant ce dernier et nécessaire à la survie de l'individu (l'homme social). Ce malaise se traduit chez Min, le jeune homme ayant des difficultés à s'insérer dans la société (d'une part à cause de son exil - on l'imagine politique du fait de l'existence de la junte Birmane dans les années 2000 - et de sa difficulté à réembrasser une nouvelle vie mais d'autre part à cause de cette "maladie" - en effet, le jeune a une peau sensible) et ne possède pas cette reconnaissance de l'état Thaïlandais quant à son existence. Il se traduit également chez les deux personnages féminins du film, dans un premier temps Orn (la plus vieille des deux) qui semblerait-il ne travaille pas et souffre d'un besoin d'argent et d'affection de la part de son mari afin de combler ses troubles personnels et du sommeil qui en découlent; dans un second temps Roong (la petite amie de Min) qui travaille dans une usine afin de faire vivre Min (le film ne flirtera jamais avec le pathos, loin de là) et qui elle, semble avoir des problèmes d'ordre sentimentaux: un manque d'affection à combler.


Ce malaise commun pousse les trois protagonistes à un certain exode et petit à petit la végétation se fait de plus en plus dense. Min et Roong fuient la ville, le travail, l'ordre afin de passer une journée en amoureux au vert. Au programme: pique et nique (que je suis gras). Orn, elle, assouvie son cruel manque d'affection non loin de là et tous trois se retrouvent pour profiter d'un petit cour d'eau en fin de journée. L'omniprésence de cette nature, ce retour à la nature représente un besoin chez les personnages d'oublier leurs identités ancrées dans les cadres dans lesquels ils évoluent d'ordinaire. Et là pointe le propos central du film, son sujet: les relations humaines.


Si dans le premier tiers du film (en ville et lieux périurbains) on a des rapports de force entre les différents représentants des échelles de la société (docteur à patient, patron à employée), ceux-ci disparaissent bien évidemment dans la nature où il s'agit tout simplement d'être. Roong oublierait presque l'animosité qu'elle a pour Orn, les rapports de force sont beaucoup moins présents (il ne s'agit plus que d'égo et d'histoires personnelles), les liens se détendent entre les personnages autour du bien-être d'un seul (c'est ce que l'on retrouve dans certaines tribus il me semble) et ainsi qu'on allonge un mort, le chemin de croix de ces personnages se termine. Le discours inscrit dans les interlignes du script laisse place à une observation du comportement humain.
La narration, succinte (point trop s'en faut semble avoir été le dicton de Weerasthakul), la nature et les plans d'ensemble d'une beauté confondante et la palette des sons réjouissante d'exotisme desservent l'observation d'un présent figé.


En définitive, certains reprocheront ses dialogues un peu superficiels auxquels nous répondrons que leurs vies ne sont pas remplies de discours pour la présidence, d'autres verront ces scènes de voiture interminables et nous leur répondrons à leur tour qu'elles sont nécessaires à la fuite, au temps qui leur court après. Ce film long et lent a l'image des vies qu'il capture (seigneur, on dirait que j'écris pour Bela Tarr). Trône l'insastisfaction, maîtresse de nos désirs et puis le temps qui a passé, vers lequel nous sommes sans cesse tournés.

Albion
8
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le 29 avr. 2012

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