Blood Island par Giallover
Grand prix au dernier festival de Gérardmer, Bedevilled (« tourmenté ») a glissé tout schuss dans les bacs DVD. En écopant, au passage, d'un titre bien fadasse, Blood Island. Parce que ça se passe sur une île et qu'il y a du sang, vous comprenez ? Double peine imméritée. Ce film aurait certainement eu le même potentiel sur grand écran que The Chaser (Hong-jin Na, 2007) ou Mother (Bong Joon-ho), pour citer deux grosses claques coréennes récentes. Passons.
Blood Island nous conte donc l'histoire de Hae-won une employée de banque belle de l'extérieur, un peu moins de l'intérieur. Le genre de personne à retourner tranquillement à sa petite vie sans avoir tenté de secourir la jeune fille qui se faisait tabasser par deux mecs sous ses yeux. Après avoir démontré à ses collègues qu'elle appartient à la caste des connasses, son boss lui ordonne d'aller se mettre au vert quelques temps. Elle embarque donc pour un séjour sur l'île de son enfance.
Sur place, elle retrouve Bok-nam, son amie d'alors. Celle-ci l'accueille chaleureusement, malgré le fait que Hae-won n'a jamais répondu à une seule de ses nombreuses lettres. Une hospitalité qui compense la froideur avec laquelle les autres insulaires accueillent cette arrivée. La dizaine de personnes qui peuplent cette île se répartit entre des hommes stupides, violents et dominateurs –ou séniles- et des femmes stupides, violentes et soumises aux hommes. Bok-nam devient alors le personnage central du récit. Moquée, rouée de coups, violée, elle encaisse, en bon archétype de la mère sacrificielle qu'elle est. Mais le jour où sa fille semble menacée à son tour, elle change son fusil d'épaule. Ou plutôt, sa serpe de main.
Voilà comment Jang Cheol-soo, construit sa métaphore de la Corée du Sud d'aujourd'hui. De sa société machiste où subsistent des réflexes archaïques. Et c'est dans une explosion de violence aux soubresauts féministes qu'il décapite cette galerie de barbares. Il faut cependant attendre le dernier tiers du film pour assister à cette entreprise de vengeance qui réjouira les amateurs de cinéma de genre. Cette dernière partie aurait pu gagner en force si le réalisateur avait mieux géré la montée en tension. En s'économisant, par exemple, sur les scènes décrivant la vie sur l'île. Et en s'interdisant toute langueur. Malgré tout, Blood Island reste hautement recommandable et s'impose comme un nouvel exemple d'un cinéma coréen audacieux.