En 1988, le succès commercial de Bloodsport prend les producteurs Occidentaux par surprise. Une réaction compréhensible car, en dehors de quelques cas particuliers comme Bruce Lee ou certains films isolés aux débuts de la vague Kung Fu (King Boxer), les purs films d'arts martiaux n'avaient jamais vraiment connu d'énorme succès populaires en Europe ou aux USA. La grande majorité des autres films du genre, commercialisés à l'époque, se voyaient cantonnés à des petites sorties dans des cinémas de quartier pour finalement occuper les étagères de vidéos clubs dans les années 80.
Mais le film de Newt Arnold et de Jean-Claude Van Damme sut attirer les foules. Contrairement à ses homologues Chinois, son scénario n'était pas basé sur des références historiques inconnues du public Occidental mais sur un simple tournoi d'arts martiaux, idée plus facilement assimilable, et mettait en avant un héros blanc et musclé. Les combats se voulaient également réalistes, sans câbles ou bonds surhumains, afin de ne pas choquer un public habitué aux classiques bourres pifs.
Bien que cela ait été un succès surprise, les producteurs ne restèrent pas désarmés longtemps et toute une série de films d'arts martiaux Occidentaux apparurent sur les écrans ou en vidéo, chacun promettant avoir découvert la nouvelle star du cinéma d'action !
L'Asie ne ferma pas non plus les yeux sur ce nouveau phénomène et quelques films furent réalisés avec l'idée de profiter de l'intérêt soudain pour le genre aux USA et en Europe. Parmi ceux-ci, se trouvent Bloodfight, production Japonaise tournée à HK, que l'on doit à Yasuaki Kurata.
L'influence de Bloodsport sur le film de Shuji Goto crève les yeux, au point qu'on pourrait quasiment parler de copie carbone du long métrage de Jean-Claude Van Damme. Tout Bloodfight est basé sur la participation à ce tournoi d'arts martiaux underground avec une galerie de combattants typés (un grand indien, un sumo...) et pour adversaire ultime, l'inusable Bolo Yeung qui n'a même pas changé le nom de son personnage pour l'occasion (les figurants devaient également être les mêmes vu comment ils crient Chong Lee ! Chong Lee ! de façon identique). On retrouve également le même motif de vengeance, avec symbole du bandeau en prime, comme motivation supplémentaire pour le héros.
Le long métrage Japonais essaye bien d'apporter un peu d'originalité à cette formule pour le moins basique mais les quelques efforts s'avèrent mitigés au final. La structure du film, avec un très long flashback au milieu, apporte un minimum de surprise dans le déroulement de l'histoire. Mais le reste n'est pas bien glorieux. Toute la partie entraînement maître/élève sent le déjà vu, moins influencé par les classiques du film de Kung Fu que par le Kickboxer de Jean-Claude Van Damme (on y revient toujours !). Les plans sur fond de couchers de soleil ne sauvent pas l'absence de lien fort entre le maître et son élève ni la pauvreté des techniques d'entraînement proposées. L'ensemble de ces séquences apparaît juste pauvre et sans inspiration. C'est également sans compter sur la présence d'une bande de punks, uniquement parachutée dans le récit pour apporter quelques combats, et qui anéantit à elle seule par leur look cheap et leur ridicule achevé le peu de sérieux que pouvait avoir le métrage.
De manière plus générale, Bloodfight souffre des défauts récurrents de beaucoup de productions d'exploitation à vocation internationale : Une tendance à copier maladroitement un sujet peu maîtrisé doublé d'un cruel manque d'âme. Il y a pourtant eu plus d'un long métrage dans ce registre qui avait su s'en sortir. C'est le cas d'une bonne partie de la production des Girls With Guns par exemple, qui faisaient leur beurre essentiellement en dehors de HK. Plus récemment, le Yellow Dragon de Kurata assurait un petit divertissement de bonne tenue.
Mais Bloodfight ne parvient jamais à se hisser au rang de son modèle, pourtant assez peu élevé. On l'a vu le scénario essentiellement repompé est une des raisons majeurs de l'échec du film. Les quelques ajouts scénaristiques qui auraient pu apporter un supplément d'originalité ou de personnalité au film s'avèrent, pour la plupart, désastreux. Il n'est en rien arrangé par le choix de tourner intégralement en Anglais. Une décision parfaitement logique au vu de l'ambition internationale du film et qui a le mérite d'une certaine honnêteté (chaque acteur aurait pu tourner dans sa langue et tout le monde intégralement doublé après). Hélas, Kurata et Yam parlent Anglais comme des manches, le premier annonant ses répliques tel un robot, l'autre mâchonnant la moitié des mots. Et quand on a droit à un natif d'un pays anglo saxon, ses dialogues se limitent le plus souvent à des insultes bien vulgos. Seule Cristina Lawson parvient à tirer son épingle du jeu au sein de ce casting de linguistes peu brillants.
Les amateurs d'action auront peut être quelques espoirs concernant les combats du film. Malheureusement pour eux, ceux-ci sont à l'égal de la médiocrité général du film. Les combattants vendus comme des machines de combat sont pour la plupart à peine capable de lever la jambe où se contentent de démonstrations de cirque (le pratiquant de la technique du singe dont on se demande ce qu'il attend pour frapper son adversaire). Cerise sur le gateau, et comme on pouvait s'en douter, Simon Yam ne fait pas illusion un seul instant en artiste martial talentueux. Il y a bien Kurata en personne pour améliorer le niveau mais même lui est trahi par la médiocrité générale des chorégraphies et le montage hasardeux. Il n'y a que quand le réalisateur le filme en plan large et fixe, quand l'expert Japonais exécute un Kata, qu'on peut apprécier à leur juste valeur les capacités de l'homme.
Pour aussi médiocre que soit le film, Kurata atteindra son objectif commercial en faisant de son Bloodfight un hit de vidéo club un peu partout à travers le monde. On aurait quand même pu espérer une œuvre artistiquement supérieure au vu de l'impressionnante filmographie de son interprète principal.