Dario Argento qualifie lui même Inferno de son film le plus pur. On ne peut que lui donner raison au vu du métrage, un véritable cauchemar éveillé, l'impression sur pellicule des obsessions les plus morbides de son créateur. Il faut préciser que Dario Argento était à cette époque encore accro aux drogues, ce qui l'a probablement inspiré dans ses visions. L'absence d'un scénario vraiment construit semble d'ailleurs aller dans la même direction. Il est aussi bon de rappeler qu'Inferno est la suite d'une des autres grandes réussites du maestro italien, Suspiria. Chacun de ces films met en scène une des " mères " infernales, Mater Suspiriarum pour Suspiria, Mater Tenebrarum pour Inferno et Mater Lacrimarum pour Mother of Tears.
Rose hérite d'un appartement dans un ancien immeuble. Elle est particulièrement intriguée par le fait que cela ait pu être le lieu d'habitation de l'une des 3 mères et entreprend des recherches sur le sujet. Elle fait appel à son cousin Mark pour l'aider. Mais bien vite les événements horribles se succèdent...
Il est assez fascinant de constater que plus Argento s'enfonce dans le fantastique, plus il abandonne les contraintes scénaristiques et verse dans un quasi surréalisme. Ces gialli du début ( L'Oiseau au Plumage de Cristal, Le Chat à 9 Queues) même si ils présentaient déjà une obsession voyeuriste pour les scènes de meurtre, conservaient un canevas classique de film policier avec une intrigue avançant par le biais de l'enquête du personnage principal. Dans Suspiria, sa première véritable incursion dans le genre (Les Frissons de l'Angoisse comportait des petits éléments fantastiques mais il s'agit avant tout d'un giallo), il déconstruisait sa structure habituelle pour faire des séquences de peur/meurtres les points forts de son œuvre, parfois gratuite dans le déroulement du récit mais participant à l'ambiance générale. Les moments d'enquête, au contraire, perdaient eux de leur importance.
Avec Inferno la constatation est encore plus flagrante. Argento construit son film sur les séquences de meurtre. Il part d'un " pitch " et y balance des personnages qui ne seront que des victimes dans les délires du maestro italien. Fini les notions de développement des personnages ou de progression de l'intrigue, ici tout est concentré sur ce qu'Argento affectionne. Complètement libéré, il peut donner libre cours à ses idées les plus étranges et malsaine pour notre plus grand plaisir.
Son attention va donc se porter avant tout sur l'ambiance et les séquences effrayantes. Et à ce niveau, c'est le bonheur total, le maître étant au sommet de son art. Son goût pour les éclairages voyant, les couleurs criardes (principalement le rouge ici) éclate encore plus que dans Suspiria. Les moments éprouvants s'enchaînent comme des perles sur un collier, travaillant l'ambiance tel un orfèvre pour finalement nous enfoncer dans notre siège par un déchaînement de violence ou de frousse . Comme d'habitude Inferno est filmé par une caméra virtuose, joue sur le montage (les gros plans sur les yeux des victimes impuissantes avant la mise a mort) et est soutenu par une partition de Keith Emerson très " goblinesque ". C'est un régal. Impossible de ne pas être marqué par l'immersion de Rose ou les apparitions de l'alchimiste pour ne citer que ceux là.
Dans le cadre si particulier de ce film sans scénario classique reprocher la faible consistance du jeu des acteurs n'a pas vraiment d'objet. Le propos n'est pas là ! Les personnages ne connaissent que deux émotions : La peur et la curiosité, cela ne va jamais plus loin. Ce ne sont que des pantins destinés à subir les pires traitements.
Inferno est un pur trip, l'exploration des obsessions parmi les plus noires de son créateur. Le spectateur qui s'attend à un film traditionnel risque donc un véritable choc. Ceux qui aiment l'œuvre d'Argento ne peuvent qu'être ravis.