La première fois que j'ai vu Inferno, il y a BIEN longtemps, j'avais fait l'erreur de n'y voir qu'une suite « spirituelle » et beaucoup moins aboutie de Suspiria, le chef-d'œuvre de Dario Argento. Quelques années plus tard, à l'occasion de la sortie d'Inferno en blu-ray, je révise mon jugement : le film est bien meilleur que dans mes souvenirs.
De fait, Inferno a tout de même pas mal de défauts, à commencer par les acteurs, très inégaux : il y a des exceptions, comme la très grande Alida Valli, déjà présente dans Suspiria avec un rôle assez similaire de femme autoritaire, mais globalement les personnages principaux sont souvent assez peu charismatiques, mal dirigés et pas franchement servis par des dialogues un peu neuneus. Dieu merci, et c'est une des particularité très Psychose du film, ils meurent très vite les uns à la suite des autres : dès qu'un personnage féminin semble être sur le point de prendre le lead, il se fait assassiner — c'est un peu le syndrome Janet Leigh transformé en running gag — laissant au très fadasse et très moustachu Leigh McCloskey la lourde responsabilité de porter le film sur ses frêles épaules.
Autre point controversé, le scénario : soyons honnêtes, ça n'a effectivement ni queue ni tête, mais finalement ça n'est pas très grave, c'est manifestement voulu comme ça par Argento, fasciné par les codes nébuleux de l'alchimie et de la sorcellerie. Sur cet aspect Inferno n'est finalement pas très éloigné de L'Au-delà de Fulci, autre film construit en dépit du bon sens et du réalisme : dans les deux films, les meurtres ne semblent par exemple pas avoir de véritables conséquences juridiques, il suffit au héros de dire « elle était déjà morte quand je suis arrivé » à la police après un double-meurtre particulièrement atroce, et zou, on se retrouve à l'autre bout de la planète pour de nouvelles aventures.
Dans une moindre mesure, la multiplication des symboles, codes, indices, la construction en forme de rébus et la fascination pour les architectures impossibles annoncent Lynch... A noter que la fin est relativement expédiée, à la limite du ridicule (featuring le design du (de la ?) méchant(e) très fumetti, digne des soirées Halloween les plus fauchées) mais c'est une constante chez Argento, y compris dans ses meilleurs films.
Reste un film fascinant, mystique et énigmatique, à la beauté plastique hallucinante : la photo est presque encore plus belle que celle de Suspiria, aux teintes plus pastelles mais tout aussi tranchées. Après Inferno, Argento reviendra à du giallo plus brut de décoffrage (Ténèbres) ou à un recours au fantastique plus discret (Phenomena).