De la cohue au chaos
Bloody Sunday ne partait pas pour me plaire. Ces fondus rébarbatifs me rendaient fous et plus le temps passait, moins l'approche choisie par Paul Greengrass me plaisait. Pendant trois quarts...
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le 22 mars 2014
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J’ai écouté, une semaine avant la découverte de ce film, le podcast d’ « Affaires sensibles » narrant cette journée, je savais donc à quoi m’attendre. Ce que le film allait raconter, j’en connaissais presque tous les détails. Mais le film ne se concentre pas seulement sur la manifestation, mais sur avant et après.
Il se déroule sur pile vingt-quatre heures : tout ce dimanche 30 janvier 1972.
Paul Greengrass qui as écrit et réalisé le film as absolument tout calculé.
Ainsi le film s’ouvre sur les discours en alternance d’un supérieur de l’armée qui dit qu’aucune manifestation n’est autorisé et qu’ils devraient être plus durs que d’habitude et celui d’Ivan Cooper, leader des manifestants, qui dit qu’ils feront la manifestation mais en demandant à ce qu’il y aucun débordement. Puis on voit un jeune homme, qui sera un manifestant : il as déjà été arrêté et ne veut pas retourner en prison. Et puis aussi un soldat de l’armée qui ne semble pas être prêt à tuer des gens. « Bloody Sunday » est donc un film choral qui montre les multiples points de vues.
C’était le troisième long-métrage de Paul Greengrass, mais le premier qu’il adapte de faits réels et utilise sa signature visuelle : caméra à l’épaule, montage assez cut, documentaire, spontané.
Mais il as poussé le réalisme le plus loin possible. Le film à été tourné dans les lieux mêmes des faits et une bonne partie des habitants présents à l’époque y sont présents soit en figurants, soient dans des rôles importants. Même James Nesbitt, qui joue Ivan Cooper, le leader des manifestants est issu de cette communauté étant né et ayant grandi en Irlande du Nord.
« Bloody sunday » est donc une reconstitution, donc c’est certain que tous les meurtres sadiques des soldats y seront montrés. Tout les noms des protagonistes sont vrais : c’est un « docu-fiction », comme on pourrait dire.
Mais plus encore que le son, c’est l’image qui frappe. C’est pour cela que j’aime tant le cinéma, les séries télévisées : je n’aime pas trop imaginer, je suis trop fainéant pour cela, je préfère les images. Mais je n’étais pas préparé entièrement au visionnage de ce film. Comment aurait-je pu l’être ?
Paul Greengrass, donc ne pose jamais sa caméra, mais alors que dans ses films suivants, il ferait un montage très cut, là, il multiplie les plans-séquences, suivant en travelling, les différents personnages, notamment ce long plan-séquence qui suit Ivan traversant Derry au début du film.
Et en plus de ce filmage très particulier, il y a un grain : le film étant tourné en 16 mm.
Même si les soldats et manifestants, étaient, vu les événements antécédents, préparés à cela, lorsque la manifestation dégénère, tout le monde semble surpris mais pour les soldats : c’était prévisible.
Et il y a un problème de communications : les soldats et leurs supérieurs et les supérieurs de leurs supérieurs ne suivent plus aucun ordre, puisqu’ils sont tous contradictoires.
Et alors qu’une part des manifestants voient des barricades et des soldats, dans un croisement : ça dégénère et Ivan Cooper ne contrôle absolument rien. Et tente de les calmer, mais en vain.
C’est exactement à ce moment là que la manifestation à dégénérée.
En réponse à des manifestants, surtout des jeunes, qui insultent des soldats et balancent des cailloux, les soldats dégênent des jets d’eaux, puis peu après des gazs, puis des tirs… ce qui devaient être des balles en caoutchouc étaient en fait des vraies balles.
Ce moment là, au cœur du conflit, on y est totalement, comme d’habitude, avec le cinéaste, sa caméra va partout, ainsi à plusieurs moments on ne voit plus grand-chose, tellement la caméra vibre, étant fixé à un manifestant qui court très vite.
On ne peut pas décrocher, en fait, pour prendre du recul, il faut simplement essayer de penser à quelque chose de plus léger, ce que j’ai fais, mais ça marchait genre même pas dix secondes, parce que j’étais dedans. Le cœur et la gorge serrée et les larmes aux coins des yeux.
Dès le début lorsque des jeunes irlandais insultent et rejettent des anglais venus passer en ville, moi qui déteste la haine sadique depuis toujours, ça m’as serré le cœur.
Toute cette haine. Et aussi des soldats, heureux de pouvoir « en buter le plus possible ».
Les meurtres sont évidemment d’une brutalité inouïe
, surtout qu’on voit clairement que les soldats tuent au hasard, voire abattent un homme qui étaient pourtant déjà à terre, blessé, se plaçant sur lui et lui tirant une autre fois, afin qu’il meurt.
C’est parmi ce que j’ai vu de plus dur, éprouvant, dans une « fiction » (tous médias compris).
EPROUVANT : c’est ça le mot. Grâce à la mise en scène de Paul Greengrass, à son goût pointu de la reconstitution : on est simples spectateurs, témoins de ce qui se passe, tout en étant aussi victime (la caméra se place à un moment au point de vue d’un jeune qui se fait tuer).
Au moment paroxystique, soudainement, le cinéaste ose nous montrer pendant de longues minutes ce qui se passe dans le poste des supérieurs des soldats.
Par ailleurs, à plusieurs moments, le cinéaste fait des plans larges, comme celui en haut de la colline sur tous les manifestants montant la colline et aussi celui bien plus tard, à 360 degrés, notamment après tout le carnage où on as les vues sur pratiquement tous les corps et celui dans l’hôpital à la fin du film.
Du fait de son traitement, et que la plupart des manifestants ont été recrutés sur place, on en voit parfois regarder en direction de la caméra.
Par ailleurs, l’armée est clairement corrompue, même le seul soldat qui retenait ses camarades, qui tentait de leur dire que les manifestants n’ont pas tirés, qu’il y avait eu un cessez le feu, fera comme les autres : mentira.
Le film se termine, comme il as commencé, sur les discours en alternance, du chef des soldats et d’Ivan Cooper. Son subalterne mentionne le nom de toutes les victimes de ce massacre entrecoupés par des bandereaux indiquant des éléments sur cette période de l’histoire irlandaise.
Et la chanson « Bloody sunday » enregistrée en concert déroule pendant le générique de fin. Jusqu’à au bout, puisqu’il y a une ou deux minutes d’écran noir total.
Le Seul reproche que je puisse faire à ce film, c’est qu’il est trop bavard, surtout à la fin. Alors que sa force principale, c’est de montrer les faits, et que les paroles ne servent à rien – le film aurait pu être entièrement muet d’ailleurs. Parce qu’ils ne restent que les faits, les faits terribles de ce jour là.
De ces 14 morts, de ces vingt-sept blessés. De la corruption de l’armée britannique.
Alors qu’en 2001, lorsque le film fut tourné, trois ans après la fin des troubles, différents procès et audiences avaient déclarés l’armée non coupable (et comme le précise un bandereau à la fin : les soldats avaient même été décorés !), Paul Greengrass fait clairement son procès de l’armée britannique. Ce n’est qu’en 2010, que Tony Blair, reconnaîtra la responsabilité de l’armée britannique dans ce massacre.
Dans l’émission « Affaires sensibles » consacré à cette journée, l’invité, spécialiste dans l’histoire de ce pays, dit que le film « est très juste. C’est exactement ce qui s’est passé. ».
Malgré qu’il soit adapté de faits réels et aussi pour cela, « Bloody sunday » est exactement le genre de films que j’adore : je veux pas rester indifférent à la fin d’un film moi. J’adore les drames, j’adore qu’à la fin de la séance : je sois marqué, fatigué émotionnellement.
Je suis maso, mais j’adore cela. Je veux que la « fiction » ai un impact Réel sur moi.
Et après le visionnage, la seule question qu’on se pose, c’est : Pourquoi ?
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le 4 août 2021
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