Rouge et noir, comme les deux couleurs qui ressortent de cette bobine, aussi bien esthétiquement (cf la photo de Vilmos Zsigmond) que symboliquement (le sang, la mort...), et qui dans le même temps irriguent tout le cinéma de Brian De Palma, en particulier durant la période charnière 1975-1985, au cours de laquelle se succèdent nombre de films obéissant à ce code couleur, à partir de "Sisters" jusqu'à "Body Double", parmi lesquels "Obsession", "Carrie", "Dressed To Kill" et donc "Blow Out".
Dans ce dernier, Brian De Palma multiplie les références à Hitchcock, je me permets par conséquent d'adresser à "Blow Out" le même type de critique que pour certaines œuvres du Maître britannique ("Rear Window", "Vertigo"...) : à savoir un film brillantissime dans sa mise en scène, mais plus anecdotique au niveau de son scénario.
En parlant de références : le titre choisi apparaît de toute évidence comme un clin d'œil à "Blow Up" d'Antonioni, au pitch similaire, tandis que la problématique "acoustique" de l'intrigue rend hommage à "The Conversation" de Coppola. Fin de la parenthèse.
D'une part, De Palma nous offre donc en 1981 une mise en scène innovante, intelligente, truffée de moments de bravoure (comme cette mise en abîme dans la séquence introductive, cette course poursuite effrénée en voiture, ou cette agression finale en plein feu d'artifice).
Son travail respire l'amour du cinéma, et d'ailleurs son thriller se mue à l'occasion en très bon documentaire sur le métier de preneur de son.
D'autre part, De Palma scénariste se contente hélas d'un polar assez banal (dont l'intrigue s'inspire de l'accident de Ted Kennedy à Chappaquiddick), au sein duquel on relève quelques incohérences et maladresses.
Heureusement, le dénouement particulièrement cruel et cynique offre une remarquable issue qui referme joliment la boucle initiale, avec un ultime plan de Travolta abasourdi.
Pour résumer, on retrouve dans "Blow Out" tout le talent d'un cinéaste au style personnel affirmé (les fameux split screens, la dualité réalité/fiction, des mouvements de caméra inimitables) qui aura fait de lui une référence durant une quinzaine d'années, mais dont le manque de renouvellement lui sera ensuite préjudiciable.
A noter que dans la VF, c'est Gérard Depardieu himself qui assure le doublage de John Travolta!