Voir Danny Lee au casting d'un polar à partir de la seconde moitié des années 80, c'est l'assurance d'assister à l'éloge d'une police dure mais juste en butte à des criminels sans pitié et leurs avocats véreux. Une véritable formule, rodée et éprouvée, mais au résultat aussi prévisible que peu excitant. Cependant, le flic le plus célèbre du cinéma de Hong Kong a parfois mis de coté cette marque de fabrique pour travailler avec quelques réalisateurs talentueux ou dans des registres un peu différents. C'est le cas de City On Fire (où il interprète un criminel), Rhythm Of Destiny (un ancien des Triades) ou Sword Stained With Royal Blood (retour aux films en costumes après ces années à la Shaw Brothers). Blue Lightning est à mi-chemin entre ces deux tendances. Danny n'y joue pas un policier hard boiled mais un EX policier hard boiled. Une nuance qui n'a l'air de rien mais cumulé aux aspirations du metteur en scène Raymond Lee, aboutit à un polar fort différent des « films à la Danny Lee » tels qu'on a l'habitude de les voir.
Car Lee a décidé d'une approche différente pour Blue Lightning. Son film ne sera ni une apologie des forces de police (Red Shield), ni un déchaînement de sang et de larmes (The Killer), ni une histoire sombre et désespérée (Long Arm Of The Law). Au contraire, le réalisateur aspire à un certain réalisme, un classicisme le rapprochant des polars US ou Européens.
Ainsi, après un meurtre violent qui amorce l'intrigue, le long métrage se concentre sur l'enquête dans tout ce qu'elle peut avoir de frustrante : Difficile exploitation des rares indices, témoins peu coopératifs, obstacles internes aux forces de l'ordre... L'accent est mis sur ce que le travail de la police peut avoir de plus laborieux, de plus terre à terre. Même dans ce contexte, Danny Lee tend à appliquer les méthodes habituels qu'on lui connaît (autrement dit, le tabassage systématique des suspects) mais Tony Leung sert de contrepoint, représentant une génération de policiers plus respectueux des lois et manifestement plus apprécié par Raymond Lee.
Etant donné le traitement réaliste de l'intrigue policière, on ne s'étonnera pas que les scènes d'actions soient peu nombreuses. Cependant, l'excellent Tony Leung Siu Hung s'adapte parfaitement aux exigences du réalisateur et concocte des séquences à la fois crédibles et excitantes. On retiendra surtout la course poursuite Tony Leung/Lee Siu Kei dans les rues de HK (montage nerveux, action quasiment sans doublures) et l'attaque de l'appartement de Danny Lee (fusillades sans exagérations valorisant le placement de chacun et cascade spectaculaire en conclusion). Du très bon travail, comme on pouvait s'y attendre.
Polar crédible, efficace, Blue Lightning se veut également un drame touchant. Car, en parallèle de l'enquête policière, le long métrage développe longuement la relation entre Danny et son fils. D'abords maladroits envers l'un l'autre, le père et son fils s'apprivoiseront lentement, retissant maladroitement des liens brisés depuis des années.
Même si les rapports qui les unissent ne sont pas traités avec une grande subtilité, Lee soigne autant qu'il le peut cette facette du film, respectant les deux personnages, injectant une authentique chaleur humaine dans leurs relations. Il est bien aidé par les performances d'un Danny motivé (il faut dire que l'acteur reste proche de ses compositions habituelles) et surtout par un Wong Kwan Yuen toujours aussi bon quand il s'agit de pleurer. Ce travail sur les personnages finit par payer lors d'une très belle séquence où le fils cherche désespérément à venir en aide à son père malgré l'indifférence des passants. Un moment d'authentique émotion validant les choix de traitement et de mise en scène de Raymond Lee.