Naissance et mort d'un amour (spoiler alert)

Blue Valentine décrit avec beaucoup de justesse la réalité d'un couple hétéro en pleine crise après plusieurs années de relation et de parentalité. Le film est condensé autour de deux moments clés que sont les débuts de la relation et une sortie en couple qu'ils font quelques années plus tard pour essayer de rallumer la flamme. Le film est constitué d'une succession non chronologique de moments empruntés à ces deux périodes de leur vie.

On y voit deux personnes qui ne sont pas mauvaises en soi. Mais qui ont perdu le sens de l'humour et qui n'arrivent plus à trouver de joie dans leur quotidien. Le film est imprégné de cette couleur « Blue » qui signifie aussi triste.

J'ai mis une bonne note car je me suis beaucoup reconnue dans les 2 personnages. Le film est, de plus, d'un pessimisme que j'ai trouvé à la fois rafraîchissant et cathartique. Le couple est souvent montré à hollywood comme une vitrine de la réussite et un truc génial qui nous apporte le bonheur à tous les coups. Là, on en est bien loin... Le film explore, sur le mode AVANT/ APRES, l'évolution du couple et le devenir des personnages à quelques années d'intervalle.

1/ L'après : un couple sous le signe du délitement

Dès le début du film, Dean et Cindy apparaissent comme un homme-enfant et une mère fatiguée par sa charge mentale (réelle ou supposée, là n'est pas le problème). La scène ou Dean gobe les céréales renversées sur la table afin d'inciter sa fille manger m'a bien fait sourire, et est en soi assez mignonne. La réaction exaspérée de la mère, m'a semblé très réaliste.

Un autre signe de l'éloignement de Cindy et Dean : leur manière de communiquer. Par exemple, Dean ne tient pas compte de la fatigue exprimée par sa compagne et lui impose une sortie loin de leur domicile. Il n'a manifestement pas compris l'état de sa femme. Quand il y a dialogue : c'est souvent très tendu : chaque parole prononcée par Cindy est mal interprétée et donne lieu à des explications de sa part qui font encore empirer les choses. De là, se taire devient la seule issue. Je pense en particulier à la scène la voiture où Cindy marche sur des œufs en racontant a Dean qu'elle a recroisé son ex au supermarché. La scène du repas à l'hôtel vient enfoncer le clou. Cindy demande à Dean pourquoi il n'exerce par un boulot plus intéressant. Sous des airs innocents, la question est perçue comme un terrible jugement de valeur et Dean (qui est un mec sensible) se braque immédiatement. Est-ce que Cindy est très maladroite ? ou bien est-ce que c'est Dean qui prend tout mal et devrait se détendre ? Pas un pour rattraper l'autre vu que l'un comme l'autre sont au bout du roul'...

Physiquement, on constate que la distance entres les deux personnages s'est bien creusée depuis les débuts. Il s'étreignent une fois à la mort du chien. Puis il y a la scène de danse à l'hôtel un peu mignonne mais ça ne compte pas vu leur alcoolémie. De plus, la scène de sexe bien malaisante où Cindy semble se forcer n'augure aucune réconciliation. Pour finir, les coups portés par Cindy à Dean (ivre et agressif) qui a débarqué sans prévenir sur le lieu de travail de Cindy viennent encore alourdir le bilan. Coups qu'il ne rend pas, je précise. Dean n'est pas comme ça.

Conclusion : le constat du couple brisé, tant D et C sont distants physiquement, plus sur la même longueur d'onde, et conflicuels dans leur échanges. Pourtant, à aucun moment ils ne semblent être méchants volontairement. Et c'est là, je trouve, la délicatesse et l'intérêt de ce film.

2/Une certaine nostalgie mais qui n'est pas vraiment réconfortante.

Nous allons voir que les souvenirs du passé, comportent les germes de la désillusion.

Le séquences empruntées au passé nous montrent Dean et Cindy quelques années plus tôt. Le sentiment amoureux avec ce qu'il a d'ennivrant est bien décrit. Le réalisateur utilise des couleurs vives : le rouge vif de leurs vêtements et montre les lumières de la ville. Quelques scènes sont tournées à l'extérieur (par oppositions aux scènes de disputes, toutes tournée à l'intérieur). Mais ce passé a quelque chose d'angoissant : Dean chante « you always hurt the ones you love » avec son ukulélé l'air de rien. Et ce petit refrain annonce les souffrances à venir...

Dean nous apparaît, dès le début, sensible. Cela se ressent ds sa manière de prendre soin du vieil homme quittant son domicile pour un ehpad. De par les discussions qu'il a au sujet de l'amour avec son collègue déménageur, on comprend que c'est une personne sensible et responsable. Cela se confirme quand il apprend que Cindy est enceinte : il adopte une attitude soutenante son égard. Quelques année plus tard : Dean dit s'épanouir en tant que mari et en tant que père. En tant que père, cela ne fait aucun doute : il apparaît très impliqué et sa fille l'adore, c'est évident. Par contre, en tant que mari, on note qu'il n'est plus très séduisant aux yeux de sa femme. Il semble que sa belle sensibilité des débuts se soit muée en un penchant pour l'alcool et une susceptibilité qui le rendent pénible au quotidien.

Dans les scènes référant au passé. On découvre une tout autre Cindy : habillée en rouge et amoureuse. Mais tout n'est pas parfait : lors de la scène du repas de famille, on constate que toute sa famille est fière de cette jeune étudiant en médecine. A côté de cette jeune femme ambitieuse, Dean est conscient de ne pas avoir grand chose à offrir. Quelques années plus tard, Cindy semble souffrir d'insatisfaction et de regrets, car elle n'a pas pu devenir médecin. Elle n'a pas atteint le niveau de réussite sociale qu'elle attendait.

Au final, le film a une construction où tout est fait pour donner un impression d'avant / après qui dévalorise le présent. Cependant, a bien y regarder, tous les éléments de désillusion étaient déjà présents dès le début. Ce qui est préoccupant, je trouve, c'est cette impression de fatalité.

Ce film a fait naître en moi un sentiment ambivalent :

J'ai eu envie d'interpeller le scénariste et de crier à l'injustice.

Qu'est ce qui a à ce point merdé ds leur vie pour qu'ils soient aussi malheureux après quelques années ? Je trouve le film pas du tout honnête de ce point de vue. Les effets de structure sont évidemment bien grossiers pour créer un effet de tragédie et de « de toute façon tout le poison était dans l'oeuf ». J'y vois une sorte de manipulation et peut être une forme de complaisance dans la déprime, ou du moins a volonté de faire une film déchirant sur le couple.

Je dirais même que cela éveille chez le spectateur un plaisir un peu coupable de contempler bien au chaud le naufrage annoncé de ce couple de trentenaires déprimants.

sushimo
8
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le 26 juil. 2024

Critique lue 6 fois

sushimo

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