On remarque dès les premières minutes une esthétique remarquable qui va faire la force de la filmographie de Derek Cianfrance. La photographie et les couleurs sont sublimes, spécialement le vert de la forêt, le rouge des voitures et des vêtements, et le bleu du ciel, de la chambre d'hôtel (tamisée d'un rose-orangé étincelant) ou encore des vêtements. Le prologue met en place une beauté esthétisante qui donne un ton singulier à ce film. Ce prologue inclu aussi le rapport à la nature et l'isolement que je trouve extrêmement bien traité dans les films de Cianfrance.
L'utilisation particulière des échelles de plans marquent aussi la qualité de cette oeuvre. On retrouve beaucoup de gros plans, qui se justifient totalement, des effets de flous ou d'autres partis pris artistiques qui me touche et m'attire vraiment. Le choix de rester assez loin des deux personnages durant leur rencontre est géniale, elle traduit d"une intimité que le spectateur ne peut pas briser, contrastant avec tous les reste du film, par exemple plusieurs scènes difficiles où le spectateur est proche émotionnellement et filmiquement de Michelle Williams.
L'exposition place bien le rapport entre chaque membre de la famille puis le rapport du couple avec le monde dans un montage alterné réussi. On voit très peu de plans larges, l'environnement et le décor sont donc crées par le physique et les costumes des personnages. Par exemple, dans l'exposition Dean et Jackie portent du rouge alors que CIndy porte du bleu. Alors que justement dans un des flash-backs, Cindy et Dean portent tous deux du rouge, pendant leur premier rencard. L'effet génial est que l'on prend le point de vue narratif de la petite fille, qui ne comprend pas pourquoi sont père n'entre pas. Alors que visuellement tout est expliqué, le point de vue est là celui des parents. Les scènes de nuits et d'extérieur permettent aux couleurs de ressortir, et accentuent la beauté de ces dernières.
Je trouve, en outre, que la bande son est très épurée, et arrive au moment opportun, donnant une émotion particulière aux scènes sans jamais la forcer. Le montage est aussi très bon, les lieux se présentent par 3 ou 4 plans successifs très courts. A part cela, les coupes permettent une vraie dynamique à l'action avec des jump cuts. Ces coupes étant alternées avec des plans longs en steadycam un peu à la manière de Cassavetes, où Cianfrance s'intéresse au émotions et au visages de ses acteurs. Ce qui aurait pu être perturbant dans le montage est le choix de flash-backs où les personnages se rappellent de leurs passés, cependant ces flash-backs s'accordent parfaitement à la situation pour premièrement renforcer la force émotionnelle de la séquence mais aussi pour donner du relief à des personnages ordinaires, mais fascinants.
Aussi, la mise en scène est vraiment pas mal. Une scène m'a vraiment touché par sa mise en scène. La scène où Cindy prend la main de Dean, pleine de peinture avec son alliance, Dean la refuse. Cete métonymie de leur relation, très symbolique, est remarquable.
Les acteurs sont très bons. Ryan Gosling et Michelle Williams ont bien compris que leurs personnages, Dean et Cindy, se cherchent, se repoussent, s'attirent. Ils sont dans un jeu assez différent de ce que l'on voit dans le cinéma américain classique, ils sont dans une retenue extrême seulement chaque geste possède une portée forte, Cianfrance les dirigent d'une très bonne manière.
Enfin, le scénario lui aussi est très bien amené. Les personnages sont très bien écrits et restent dans leurs caractères tout au long du film. Tout le récit fait part d'un réalisme terrifiant, la relation que l'on suit est destructrice, passionnelle, salvatrice. La mort du chien durant la situation initiale est, je trouve, un symbole de la relation déjà "morte" entre Dean et Cindy. Leurs acharnements en voulant réparer leur relation les poussent alors seulement à la destruction et l'isolement, idée qui se retrouve narrativement et visuellement. Le film finit sur le mariage des personnages en flash-back contrasté avec la fin de la relation entre les deux personnages dans le présent. Choix qui tombe sous le sens, mais auquel il faut penser.
C'est un film donc très mâture, où l'on voit que son auteur Derek CIanfrance, possède une maîtrise parfaite des relations humaines. Le film se termine donc assez tragiquement, seulement l'explosion de leur relation (symbolisé par les feu d'artifices, d'ailleurs présent aussi dans le film suivant The Place Beyond The Pines) peut leur permettre d'avancer, seulement leur fille, Jackie, les raccrochent encore, il faut alors que Dean fasse le choix de partir, il agit en homme comme CIndy le veut, en agissant pour le bonheur de sa femme, au prix du sien.