Un film à scketch fort inégal.
*1er acte : Renzo e Luciana, de Mario Monicelli.
L'histoire en elle même démontre l'impossibilité pour un couple de jeunes mariés de trouver dans la multitude de la grande ville la part d'intimité à laquelle on pourrait croire qu'ils ont droit. Que ce soit au boulot, dans leur loisir ou au sein de leur famille, ils sont entourés et submergés par la masse. La société leur interdit d'être seuls. C'est dans une salle de cinéma bondée où les derniers spectateurs regardent le film debouts, un film de vampires qui sied parfaitement à la situation, que le couple trouve au milieu de la foule le maigre espace pour discuter un peu et se retrouver.
Mario Monicelli brosse sous le scénario de Calvino et Arpino un portrait oppressant de l'Italie des années 50-60, celle de la société de consommation en marche, les deux pieds sur l'individu.
Il se permet cinématographiquement des cadrages d'une audace que je ne lui avais pas reconnue auparavant. C'est étrange. Certains plans sont très beaux (le passage de Renzo près d'une station service, de nuit, est d'un bleu noir métallique du plus bel effet).
Mais il est vrai qu'au delà du propos général, le film perd en percussion, en intérêt. Les comédiens sont jeunes et ne font pas preuve d'accroche particulière bien que Marisa Solinas soit d'une beauté tout à fait charmante.
Un scketch qui se laisse regarder mais dont la portée est somme toute limitée.
**2e acte : Le tentazioni del dottor Antonio, de Federico Fellini.
De loin le meilleur scketch du film, le plus volubile, le plus coloré, le plus percutant et drôle.
Sur la mise en scène, il n'y a guère de doute. Dès les premières minutes, secondes devrais-je dire, le style éclaté et rieur, brouhahesque du maître éclabousse l'écran. Ca gesticule et parle fort, ça joue les divas, les ténors. Apparait d'abord le personnage du docteur Antonio, joué par un Peppino De Filippo tout en tics et attitude puritaine à l'excès. Le bonhomme est un chevalier de la morale qui déchire les revues érotiques aux devantures des kiosques à journaux, qui met des claques à une femme au décolleté pigeonnant. Une sorte de Don Quichotte au cul retourné. Le vieux fou coincé va se retrouver à affronter ses démons dans un combat jusqu'à la folie, tout en démesure et fracas, à la Fellini, quand il découvre sur le terrain vague en face de chez lui, l'installation ô combien infâme d'un panneau publicitaire gigantesque sur lequel figure dans une pose lascive et suggestive la sublime Anita Ekberg. Le fantasme délirant dans lequel le censeur se perd est un spectacle à ne pas rater. Le duel De Filippo/Ekberg est un sommet de drôlerie, teintée de poésie, triste et belle à la fois. Un très bel objet que ce scketch.
***3e acte : Il lavoro, de Luchino Visconti.
Je n'ai pas vraiment aimé. Il est d'abord très compliqué, hermétique est le mot de ma compagne et je lui suis grée d'avoir éclairé ma lanterne, c'est bien le mot. Une fois qu'on a compris les enjeux ou la thématique sur la prostitution conjugale, entre désir, amour et argent, ce triangle corrupteur, alors on reste un peu sur sa faim, tant la démonstration parait un brin ampoulée et longue à se mettre en place. Romy Schneider entre ricanements et regards lointains, entre n°5 Chanel et petits chatons courant sur le lit, entre déshabillés torrides et tailleur défait, l'actrice semble perdue. Tomas Milian que j'ai eu du mal à reconnaitre remue jambes et mains mais parait d'un vide beaucoup plus sidéral. Ca ne fonctionne pas. Pas avec moi du moins. Je me suis grandement fait chier.
****4 acte : La riffa, de Vittorio de Sica.
Autant dire que l'entrain gai et rieur de La riffa fait un bien fou et réveille le spectateur. Le bordel que De Sica arrive à mettre en scène est salutaire, par sa liesse communicative, par cette douce folie, avec le sourire au coin des lèvres, avec ce "va fan culo" épelé dans un silence complice par une Sophia Loren qui s'en donne à coeur joie pour interprêter un rôle très italien.
Pulpeuse à s'en baver sur le caleçon, elle joue une populaire (comment ne pourrait-elle pas l'être avec cette tenue rouge, affolante de sensualité, avec de la chair où il faut quand il faut?) tenancière d'un stand de tir sur la place du village. Un couple d'ami dans le besoin lui demande un sacrifice que la belle consent non sans mal : se donner un soir au vainqueur d'une loterie interlope. Les bénéfices des billets vendus doivent permettre au jeune couple de payer leurs dettes fiscales. Mais Zoe puisque c'est le nom que le scénariste Zavatinni lui donne tombe amoureuse du beau et ténébreux Cuspet (Alfio Vita, si je ne m'abuse, j'ai cru dans un premier temps que c'était Marcel Bozuffi jeune, allez savoir pourquoi?).
Dans une mise en scène un brin foutraque, qui m'a fait penser au monde de Mocky,avec cette galerie de personnages secondaires allumés, édentés, imbibés, chantants, laids mais d'une beauté âpre et naturelle, De Sica instille une poésie de la drôlerie, un ton décalé où les gueules burinés des travailleurs deviennent des masques de carnaval, comme ce dernier plan en bouquet final, avec la foule heureuse de son charivari nocturne, quand les adultes redeviennent l'espace d'un instant des enfants espiègles.
Ce qui impressionne plus encore c'est le jeu à l'économie et tout à la fois juste, beau, intense de Sophia Loren. Chapeau madame, et ce n'est pas seulement ma quéquette qui parle, j'en suis persuadé. C'est juste que je suis une nouvelle fois surpris par le talent de la comédienne Loren. A force je vais finir par comprendre.
Un scketch plein de couleurs, d'humains et de coeur.