Bodied par Joro Andrianasolo

Suite spirituelle d'8 mile, délaissant Detroit pour des allers-retours entre LA et New-York et remplaçant le jeune white trash paumé par un étudiant en littérature, qui va lui aussi s'immerger dans le milieu des battles de rap.

Adam, est fasciné par l'utilisation du mot "nigga" lors des joutes verbales de rue, à un tel point qu'il veut en faire le thème de sa thèse. Accompagné de sa petite amie plutôt réticente, il va donc se rapprocher de différents rappeurs, et même participer.

C'est brillamment mis en scène, tout en tirant à boulets rouge sur un paquet de sujets sensibles du monde du hip-hop, et en parvenant même à raccorder tout ça avec une critique pertinente de certains maux de notre société hyper-connectée.

Tout y passe: la mysoginie, le racisme et la discrimination en général entre les diverses ethnies présentes dans ce milieu (africains, latinos, asiatiques, caucasiens ... c'est particulièrement bien amené lorsqu'un personnage affirme qu'on ne peut pas l'accuser de ségrégation raciale car il appartient lui-même à une minorité), les social justice warriors, la glorification du gangster et du proxénétisme, l'activisme de pacotille et les raccourcis d'opinions sur la base de propos sortis de leur contexte... le film questionne même le degré de tolérance à avoir sur les propos tenus dans le cadre d'une battle (où est la limite à ne pas franchir ? Insulter la maman et les enfants est-ce que ça passe ?)

Je mentionnais la mise en scène plus haut, chapeau à Joseph Kahn qui donne un dynamisme remarquable à chaque réplique, ça se sent par exemple lorsqu'il fait défiler par écrit les pensées d'Adam pendant que ce dernier analyse ce que dit son interlocuteur ou son adversaire et prépare sa réponse (particulièrement hilarant quand il commence à hésiter sur les mots à employer, de peur de sonner raciste). Les battles en elles-mêmes sont souvent épiques, présentées pratiquement comme des combats sur un ring. Ça m'a agréablementsurpris venant du réalisateur de Torque (oui cte blague sur deux roues démonstrative qu'ils appellent un film)

Le film parvient à être à la fois critique mais drôle, et aucune des scènes comiques ne désamorce le propos tenu par celui-ci.

Dans les petits défauts, on pourrait lui reprocher une certaine répétitivité, puisqu'ici, les battles sont omniprésentes, ne laissant que peu de place aux autres types de situations. Évidemment ça passe mieux si on apprécie le rap américain

A visionner obligatoirement en VO je pense, pour savourer pleinement l'habile maniement des mots dont font preuve les acteurs du film.