Difficile de parler de De Palma sans citer son attirance pour le cinéma d'Hitchcock. Body Double doit être un des plus représentatifs de cette influence.
Outre son voyeurisme omniprésent qui transpire le Fenêtre sur Cour par tous les orifices (et même sur son affiche), Body Double fait également écho à Psychose (scène de la douche, évidemment) et présente une réinterprétation de certains éléments de Sueurs Froides, à savoir la thématique de la femme-double (ce que le titre laisse deviner) et la phobie. De Palma a déjà tenté une relecture de Sueurs Froides avec son précédent film Obsession, mais elle est pour moi bien plus réussie dans Body Double !
Le voyeurisme est vraiment magnifié dans ce film. Il apparaît dès le départ avec la scène en vue subjective, débouchant sur une mauvaise surprise. Mais c'est la Chemosphere qui représente véritablement l'incarnation du voyeurisme, avec sa vue en panoramique sur les immeubles avoisinants. Et bien sûr, la scène de filature étend encore le concept, son voyeurisme lui étant reproché et étant finalement mentionné, il finira par lui-même admettre durant la scène de tournage pornographique qu'il "aime regarder".
Il faut bien reconnaitre que malgré son ambiance décomplexée, les quelques passages qui se veulent plus noirs ne fonctionnent pas vraiment, et De Palma le reconnaît lui-même. Tandis que dans Sueurs Froides le trans-trav illustrait à merveille la sensation de vertige, la claustrophobie est difficilement représentable à l'écran. On comprend la peur, mais on ne ressent aucun malaise.
J'ai toujours cette sensation étrange après la mort de la femme fatale, comme dans Sueurs Froides... Comme si le film continuait alors qu'un évènement trop important vient d'arriver, et qu'il n'y a pas mis fin. Ça fait bizarre sur le coup, mais dans Body Double, il y a à ce moment encore une grande part de mystère, donc le film reste malgré tout captivant, alors que Sueurs Froides m'avait perdu...
Body Double parvient à égaler - si ce n'est parfois surpasser - son modèle en le décomplexifiant. Il mélange ses influences tout en s'inscrivant dans la continuité de sa carrière (Body Double est d'une certaine manière un enfant de Blow Out), et on obtient ainsi un thriller d'enquête captivant et délirant (la scène sur Frankie Goes to Hollywood me rappelle même l'atmosphère de Phantom of the Paradise).