Vendu comme un drame social à la française, « Bodybuilder » ne déçoit pas sur ce point. Le film commence comme tant d’autres avant lui : un jeune homme, paumé, vit de petits trafics, il est rattrapé par une bande de son quartier et s’enfuit pour leur échapper. Résultat, comme il a épuisé tous ceux qui l’aident, il est expédié chez son père qu’il n’a pas vu depuis 5 ans. Le décor est planté : gris, le ton est donné : hyperréaliste jusque dans ses dialogues « so real » qui tombent à plat. Voilà donc qu’Antoine (Vincent Rottiers) se retrouve à cohabiter avec son père, Vincent, dont il ne connaît presque rien. Quant à la mère, elle nie ce père hors norme dont le visage et la présence ont été effacés des photos de famille. Il n’existe plus. Pourtant, cet être resurgit maintenant, malgré lui. C’est là tout l’intérêt du film : la rencontre et la confrontation, assez étonnante, entre le père et le fils.
Le regard d’Antoine, et par là de Roschdy Zem, devient passionnant quand il découvre son père, adepte du culturisme au corps et aux courbes démesurées. Son regard est fasciné et, dès lors, le nôtre aussi. Il n’y a pas de moquerie dans la découverte d’Antoine, il regarde, il cherche, il peine à comprendre ce père qui dépense autant d’argent, d’énergie et de temps pour une discipline qui ne fait rien gagner sinon la joie d’être arrivé au bout, d’avoir la médaille. Pas de grand média, pas d’argent à la clef, juste la satisfaction d’avoir rempli le contrat imprimé sur les murs de la salle de sport de Vincent « On ne naît pas vainqueur, on le devient ». Les deux corps, ainsi que celui de l’entraîneur autrefois, sont en complète opposition permanente. Antoine le subit, ne sait pas trop quoi en faire, Vincent le bichonne, l’entraîne et l’écoute. Voilà deux rapports au corps qui font le sel de plusieurs scènes : le tabassage d’Antoine, l’entraînement de Vincent sur « Eye of the tiger ». Les deux s’apprivoisent, l’un devant absolument entrer dans l’univers de l’autre, très envahissant, voire entêtant. De cela Roschdy Zem, tire un savoureux regard sur un monde de super-héros sans pouvoirs magiques.
Pourtant, passée la découverte, si les deux se regardent et se cherchent, le film demeure, comme son affiche, profondément gris. Et ce malgré la présence, tout en retenue, des yeux bleus électriques de l’acteur Vincent Rottiers et du corps tout en muscles saillants du culturiste Yolin François Gauvin. L’un pratique un sport purement esthétique, très masculin aussi, l’autre une vie dangereuse, où l’on n’évite pas les coups. La scène de retrouvailles après le concours en est l’illustration flagrante. Mais il manque un vrai parti pris de réalisation...