Si j'en crois une définition trouvée grâce à mon moteur de recherche préféré, l'effet bokeh en photographie (issu du japonais boke signifiant "flou" ou "brume"), crée une esthétique captivante en isolant le sujet net du fond flou. Voilà, bon, on a tout de suite compris qu'on avait affaire à tout un concept vachement travaillé et réfléchi. Sullivan et Orthwein, notre duo de réalisateurs, semble avoir une idée bien précise derrière la tête en nous proposant cette expérience islandaise à mi-chemin entre le survival méditatif et le drame science-fictif intimiste. Wow ! dit comme ça, le projet a l'air puissant. En fait, il ne l'est pas vraiment mais ne manque pas totalement d'intérêt pour autant.


Nous voici donc débarqués en Islande en compagnie de Jenai et Riley, couple de jeunes américains venu découvrir les trésors naturels de cette île si isolée, de cette terre si éloignée de toutes les autres. Tout se passe pour le mieux quand un matin, pouf ! plus personne. Des rues désertes, des voitures abandonnées au milieu des routes, des maisons inoccupées, des moyens de communication interrompus... toute trace de vie humaine autour d'eux a disparu. N'y cherchez pas d'explication, il n'y en a pas, c'est un postulat comme un autre, il faut bien écrire des histoires. Face à cette situation aussi destabilisante qu'inattendue, nos deux héros auront à chercher au fond d'eux-mêmes les moyens de réagir. Il y aura bien sûr des hauts et des bas, des moments de légèreté, des moments de détresse et surtout beaucoup de questionnements. Comment interpréter cet évènement ? Dieu y est-il pour quelque chose ? Serait-ce là son plan à l'œuvre ? Quand Riley se résoudra plus facilement à se plonger dans la photographie (tiens, tiens) pour capturer l'instant présent, Jenai aura beaucoup plus de mal à se résoudre à ne pouvoir donner de signification claire à cette nouvelle vie dans ce nouveau désert.


Après une première partie globalement bien menée et aérée, le film s'oriente ponctuellement et assez logiquement vers quelques nouveaux décors de monde en ruines et de décombres plus en adéquation avec l'évolution morale de nos deux héros. Trop de questions sans réponses et de journées sans vrai but, ça finit forcément par attaquer la motivation. À partir de là, le rythme s'affaisse et des longueurs se font sentir. Pas facile de rester concerné à 100 % par cette dérive existentielle toutefois toujours rattrapée par la beauté sauvage, atlantique et minérale de ces paysages primordiaux. Riley et Jenai, ce sont alors un peu Adam et Ève qui n'avaient pas franchement prévu de tout recommencer à zéro. Leur relation va donc en prendre un coup quand l'action aura un peu tendance à s'enliser dans une étude de couple sur la brèche, prêt à imploser face à ce face-à-face imposé. On peut pas dire que ça devienne chiant mais les effets de l'expérience s'estompent à mesure que se répètent les réflexions sur le sens de la vie et son envisageable absurdité. Sullivan et Orthwein sondent les doutes, travaillent la mélancolie de cet endroit, ce chez-soi à jamais perdu et, malgré un développement un peu indolent, nous emmènent au bout de la fin des temps.

Sachenka
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le 19 oct. 2024

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