Douzième et très probablement dernier long métrage d'un Miyazaki plus introspectif que jamais, maniant avec brio le langage des symboles pour nous laisser pénétrer sa conscience avant d'oublier, de partir sans avoir à se retourner.
Comme tout le monde l'aura compris, le thème conducteur de Le Garçon et le Héron est celui du deuil, un deuil à affronter, à comprendre, à accepter pour le dépasser.
Le monde de Mahito vient de s'écrouler avec la perte de sa mère quand il descendra jusqu'en enfer pour tenter de la retrouver. La nouvelle femme de son père ne peut déjà la remplacer et sa douleur sera l'élan nécessaire pour partir à l'aventure dans "le monde d'en bas", en fait celui d'une longue et indispensable transformation intérieure. Malicieux, trompeur, protecteur ou complice, un héron aux deux visages y sera son guide quand Miyazaki lui ouvrira dès son arrivée les portes de la connaissance à y trouver, d'une sagesse à laquelle conseil lui sera donné de ne pas tourner le dos. Cette connaissance ou ce savoir seront premièrement représentés par deux immenses bibliothèques : celle de ce fameux grand-oncle - figure démiurgique perdue par la folie et disparue mystérieusement - située dans le manoir où Mahito emménage pour commencer sa nouvelle vie, puis celle située dans une tour magique léguée par ce même grand-oncle où s'ouvrira la frontière de "l'enfer" ou plus simplement de l'autre monde, un monde riche en couleurs aussi menaçant qu'innocent, où le danger guette à chaque instant mais où l'amour sans bornes des femmes fait office de talisman : le monde de l'épreuve et de l'initiation. C'est dans ce monde entre eau et feu, entre chaos et ordre que Mahito retrouvera rajeunis différents personnages de sa réalité (le passé), que se révélera la continuité des liens unissant ancêtres et descendants (le présent), morts et vivants, que se dévoilera le somptueux spectacle des âmes nouvelles prêtes à s'incarner (le futur), que se confondront les couloirs du temps, que se découvriront les secrets de l'équilibre des mondes ; mondes concrets et spirituels.
Grand architecte du studio Ghibli, Miyazaki décoche une flèche de vie aiguisée et nous transmet ici son héritage ultime en assemblant avec adresse et virtuosité toutes les pièces de son grand œuvre : proposition de sagesse ou voyage dans les profondeurs du chagrin pour remonter à la surface de l'être et de l'esprit, le maître nous partage espoirs et croyances, la matière de sa pierre philosophale. C'est une renaissance avant de partir, une expérience personnelle au sens universel. Comme un au revoir dont il faut sécher les larmes, Miyazaki s'ouvre à nous en entier, encore plus grand, rayonnant, humain, totalement.