Toshio, le fils d'un directeur d'entreprises, et ses amis dont Jun, ne font rien de leurs journées. Sachant que le 28 de chaque mois, Ikuko, la secrétaire du père de Toshio, se rend à la banque pour faire un retrait important, ils décident de la menacer pour simuler un vol. Ikuko réagit vivement, et traite Jun de "bon à rien"...
Dès les premiers plans, le film interpelle par son apparence et son caractère non-japonais très marqué. C'est d'abord le cas de la mise en scène, le film début dans la rue, sur des jeunes gens dans une voiture, le style est nerveux, la musique jazzy, Yoshida attrape des instants de vie avec une modernité qui rappelle la nouvelle vague des débuts. Il y a un côté Kazan aussi pour le côté à fleur de peau et dans la façon de capter les désirs refoulés et les angoisses des personnages. Et bien sûr le film évoque Fellini et ses Vitelloni mais également Antonioni pour diverses raisons : le couple, la femme, l'attente, l'urbain.
C'est également le cas du comportement des personnages, leur façon de parler, de s'habiller, d'agir.
Malgré ces lourds bagages référentiels le film n'est pas noyé, Yoshida s'approprie intelligemment ces codes et figures diverses pour parler de la jeunesse japonaise des années 60, celle du Japon de la reconstruction d'après guerre. Une jeunesse un peu désœuvrée, qui aspire à l'évasion, à une certaine forme de liberté, à ne rien faire de la journée. Des bons à rien comme le dit Ikulo. On va sur une plage pour regarder vers l'horizon dessiné par la mer, on boit du coca cola, on va dans des clubs danser sur des musiques jazzy. Le désir est désormais tourné vers l'occident. Le Japon est mis de côté, c'est poussiéreux, c'est dépassé. « Que veux-tu aller faire à Tokyo c'est poussiéreux ». Ne rien faire abouti évidemment à l'ennui. Mais cet ennui ne se limite pas aux jeunes. Il intervient également chez ceux qui font, qui bossent. Comme cet employé qui, pour tuer le temps après le boulot, sort avec des filles. Ou comme ce couple qui n'a plus vraiment de choses à se dire à part se disputer et parler d'argent. C'est un des autres points du film. L'ennui de ne rien faire mais également l'ennui qui perce lorsque l'on fait donc. Et l'argent. Car pouvoir s'ennuyer se mérite, tout comme aspirer à être libre, il faut de l'argent pour cela. Et Toshio le fils du directeur en a, facilement. Ses amis le savent et ils vivent à ses crochets. Toshio le répète souvent, il veut vivre ses derniers instants de liberté avant d'intégrer le moule conformiste et capitaliste de la société. Mais ses propos insouciants, un brin utopistes, sont déjà faussés par le rapport qu'il entretient avec l'argent. L'argent roi. Pour acheter une bière, aller danser, acheter un frigo, ou tout simplement pouvoir errer.
Jun est à l'écart. Il joue le jeu, plus exactement il prend part au jeu cynique de la société, celui de l'amitié, des sentiments, du travail, sans jamais y être complètement, il est absent, désincarné. Pas vraiment d'aspirations, de désirs, parfois il se refuse à en avoir, comme dans la relation qu'il débute avec Ikulo. Il interrompt tout ce qui commence. Symbole d'une désillusion et d'une certaine forme de mélancolie et de fatalisme, vision sombre du pays.
Derrière cette chronique de la jeunesse, cette peinture d'une société capitaliste, Yoshida peint autre chose, plus dilué, plus complexe et qui semble être l'élément essentiel de son œuvre future, à savoir les rapports homme femme. C'est de loin ce qui me plait le plus ici. La vision d'un couple (le frère et la belle-sœur d'Ikulo), déjà rongé par le capitalisme et vivant sous le poids de la société. La vision de la femme qui s'émancipe (Ikulo). La naissance des sentiments chez deux êtres qui veulent éviter ça, une femme obnubilée par son travail, et un homme qui ne veut pas sortir de sa léthargie,...
Le cinéaste touche à des choses très belles, et même s'il y a quelques maladresses par moments et une façon de vouloir peut être en dire trop et d'en faire trop, premier film oblige, c'est une belle réussite.