Il y a du bon dans ce western atypique plus ou moins passé sous les radars, à sa sortie. D'abord, l'ambiance y est nettement moins mythologifiée que dans les westerns conventionnels. On s'approche assez près de la vie quotidienne, telle qu'elle devait être. Les intérieurs sont propres et viables (chapeau à Freddy Waff, aussi décorateur de Terminator: renaissance et du Godzilla de 98, ce qui change des sempiternelles cabanes en rondin à sol de terre battue avec une écuelle en bois pour toute vaisselle). Surtout, les gens y tiennent leur rôle social et se parlent poliment, comme le faisaient certainement tous les gens éduqués au XIXe siècle.
J'ai aussi apprécié le rythme du film, avec ses irrégularités qui traduisent le fait que, dans la vie, tout ne va pas crescendo vers un apogée cathartique. Ce qui implique que, oui, il y a quelques longueurs mais rien de grave (c'est pas un film de Vincent Gallo, non plus).
Enfin, les acteurs sont tous excellents, avec une mention spéciale à Richard Jenkins, qui dose un mélange absolument parfait d'obséquiosité molle et de timidité qui n'en pense pas moins. On aurait espéré des rôles féminins plus développés, mais bon. Dans un autre film, peut-être.
Par contre, deux trucs m'ont chiffonné: d'abord, les scènes gore le sont beaucoup trop pour mon goût personnel, notamment celle où Nick se fait découper.
Ensuite, je trouve que les remarques et le parti pris du discours du personnage raciste de Brooder (Arquette) manque singulièrement de recul critique. Par exemple, quand il "explique" que sa haine des Indiens lui vient du fait qu'à 11 ans, il a vu sa famille massacrée, personne ne lui réplique "Et à ton avis, les Indiens qui ont massacré ta famille, ils étaient contents d'avoir vu leur peuple génocidé par tes semblables ou c'était pour fêter la saint-Patrick?", ce qui n'aurait pas été impossible de la part des autres personnages.
Quant au rapprochement Indiens > cannibales, il est tout aussi gênant, puisque les seules traces de cannibalisme avérées chez une ethnie locale remontent au XIIe siècle et concernent la région sud-ouest, sans doute lors d'une famine extrême. En fait, il faut attendre le XVIIe pour retrouver des preuves de cannibalisme en Amérique du nord, et elles concernent.. des colons blancs, qui mangèrent leurs morts pour survivre.
Certes, Bone Tomahawk est une fiction, mais j'aurais apprécié qu'un certain équilibre moral soit respecté dans le scénario. Par exemple, en rappelant que la coutume du scalp a presque certainement été implantée par les Blancs, qui devaient ramener des preuves de leur "chasse" pour toucher la prime d'un dollar d'argent offerte par le gouvernement contre tout Indien mort.
Bref, je vais attendre d'avoir vu d'autres films du sieur Zahler pour me faire une opinion ; si j'arrive à dépasser sa complaisance pour l'ultra-violence.