La chevauchée vers l'enfer

Cela fait des années que je checke régulièrement la page IMDb de Kurt dans l'espoir qu'il se remette au travail. En effet, après un retour sympathique en 2007, l'acteur s'est fait très rare sur les plateaux de cinéma. Et puis un jour, le projet "Bone Tomahawk" est apparu dans sa filmographie. D'abord il était seulement annoncé, puis il est entré en pré-prod après quelques mois de gestation. Vu le pitch je m'attendais à ce que ce soit annulé ou à ce que soit un canular. Mais c'est resté, jusqu'à finir en post-prod. Je vous laisse imaginer les attentes que cela a pu provoquer en moi. Et en même temps je ne savais pas trop s'il s'agirait vraiment d'un film d'horreur ou pas, je craignais même que ce soit terriblement mauvais, genre un film fauché lorgnant vers le navet. Lorsque j'ai enfin pu mettre la main sur une version (propre en plus!), je fus pris d'enthousiasme mais pas trop non plus de peur d'être déçu. Et là miracle : ça passe assez bien même si l'on ne peut nier quelques maladresses.

Le scénario est simple, efficace en grande partie. Il y a quelques longueurs, on sent bien que l'auteur veulent se la jouer Coen ou Tarantino, en ajoutant des dialogues ou en faisait traîner l'une ou l'autre scène à coup de digressions superficiellement sympathiques. Sauf que ces petits 'plus' ne sont pas très maîtrisés, que ça ne va pas assez loin, que ce n'est pas assez délirant ou que la réplique n'est pas assez drôle. Du moins au début. Par après, ça devient bien. L'auteur et donc les spectateurs cernent un peu mieux les personnages qui se voient mieux exploités. J'ai franchement bien aimé cette petite équipe, les personnalités sont fortes au point de créer un peu de conflits internes en plus de cette traque. Hormis ces coups de mou du début, donc, il n'y a pas vraiment de temps mort. L'on pourra reprocher quelques incohérences, par exemple des coups de feu que personne n'entend jamais ou encore la manière dont le héros a pu grimper tout là-haut (on ne nous montre jamais vraiment le chemin emprunté par facilité narrative, mais c'est quand même un peu con d'installer leur habitat en hauteur si ce n'est pas pour mieux en jouer par la suite), mais ce n'est jamais vraiment dérangeant car le récit est suffisamment nourri d'obstacles comme ça.

La mise en scène est plaisante : pas d'effets de style, si ce n'est cette volonté de faire traîner inutilement les choses au début du récit. pour le reste, le découpage est plaisant. j'aime les réactions des acteurs/personnages. Par exemple lorsque Kurt se débat avant de se faire capturer et que l'on voit un indien à côté qui ramasse tranquillement des trucs par terre. Cela paraît assez naturel. La reconstitution est plaisante, même si c'est un peu trop propre. Les décors sont très chouettes même si on aurait voulu en voir plus. Cette tribu de cannibales est visuellement très intéressante, et même les idées sociologiques participent de l'horreur du film. D'ailleurs, il faut le dire, le film n'est pas vraiment à ranger dans la catégorie horreur même s'il y a quelques scènes dures. L'on assiste par exemple au dépouillement d'un corps, c'est filmé froidement et même si on ne voit pas tout, ça fait bien plus d'effet que dans bon nombre de film de ce genre.

Le travail du son est également très intéressant. Pas vraiment de musique et puis cette idée sur le moyen dont les cannibales communiquent entre eux. C'est purement génial. Cette discrétion sonore permet d'éveiller les sens du spectateur, de le pousser à la crainte. Le moindre bruit peut devenir suspect. C'est aussi grâce aux acteurs qu'on en arrive à une telle inquiétude. Kurt est ainsi très bien entouré, personne n'en fait trop, chacun a droit à au moins une petite scène sympa.

Bref, voir un bon western de nos jours, ça fait plaisir à voir. Je ne sais pas s'il ravira les plus amateurs du genre étant donné qu'il s'affilie également au genre horreur (et en plus on a droit à une scène de cul totalement gratuite) et qu'il comporte quelques maladresses mais, personnellement, j'ai passé un très bon moment. De plus je pense que l'auteur aime profondément les westerns, on sent d'ailleurs quelques petites références. Je le dis aussi : ce film, je l'attendais bien plus que le second western de Tarantino, et je pense que S. Craig Zahler a mis la barre bien haute !

NOTE : j'ai vu le Tarantino depuis et il n'y a pas photo : celui-ci est nettement meilleur que l'autre huis clos mou du genou.