Luca Guadagnino signe un film arty et même artificiel, ni nul ni scandaleux mais assez vide. Formellement accompli et de bonne facture, le film sidère par sa superficialité tant Guadagnino ne tire rien de sa romance cannibale.
Maren part à la recherche de sa mère et rencontre Lee, un adolescent à la dérive qui va l’embarquer dans un road trip enflammé sur les routes de l’Amérique profonde. Leur amour naissant sera-t-il suffisamment fort pour résister à leurs démons, leur passé et le regard d’une société qui les considère comme des monstres ?
Le plus hollywoodien des cinéastes italiens contemporains est un faiseur, un très bon faiseur. Ses films sont toujours visuellement impressionnant, parfaits. Mais Guadagnino n’a aucun style personnel, aucune pate propre. Il s’inspire du cinéma de James Ivory pour ‘Call me by your name’, fait un remake de la ‘Piscine’ de Jacques Deray avec ‘A bigger Splash’. Dans ‘Bones and all’, c’est un peu la même chose. On fait appel le temps d’une scène à Chloë Sevigny pour établir une filiation avec le film cannibale de Claire Denis ‘Trouble every day’. On fait appel à Jessica Harper pour citer le ‘Suspiria’ de Dario Argento. Ce road-movie dans la cambrousse américaine rappelle ‘Une histoire vraie’ de David Lynch. Tout est référentiel. Tout cela est chicissime mais le film n’a aucune âme propre.
En sortant du cinéma, j’ai été surpris de constater que je n’avais jamais eu peur. Je n’ai pas eu de haut-le-cœur malgré l’hémoglobine omniprésente. Le film est inefficace, inopérant. Si le film ne se suffit pas à lui-même au premier degré, il faut lui donner un peu de profondeur. Mais ici, le cannibalisme n’est la métaphore de rien. Et en tout cas pas de la passion amoureuse ou sexuel à en juger la pudeur globale du film. Il s’agit en fait simplement d’évoquer deux marginaux, oubliés par la société et contraints à la solitude.
Rarement a-t-on vu un road-movie en Amérique évoquant aussi peu l’Amérique. On est au contraire en terrain très connu. On roule sur des nationales interminables bordées par des champs de maïs. On déjeune dans des dinners où on vous sert des cafés. On passe dans des villages sans âmes. L’Amérique qui est montrée est d’une platitude navrante. Rien ne ressort des rencontres, rien ne ressort de ses villes. Ayant revu récemment le film ‘Carol’ de Todd Haynes qui racontait également le voyage de deux marginales (deux lesbiennes dans les années 50) au cœur des USA, je n’ai pu qu’être atterré par ce que j’ai vu ou plutôt pas vu dans ce film.
Je ne vais sans doute ne pas me faire d’amis mais j’ai trouvé Timothée Chalamet parfaitement transparent et pas du tout convainquant en ‘Hobo’, son visage angélique n’aidant pas. Son visage n’a aucune expressivité, il est très en retrait. Retenant en permanence sa voix, il n’imprime pas. Mark Rylance, qui est un très bon acteur habituellement, est ici très mal dirigé. Il surjoue le freaks pervers et est attifé comme l’as de pique. On dirait un vieux Sioux. En revanche, Taylor Russell est une vraie révélation. Elle a une jolie présence, a un visage d’écorchée. Elle n’a pas volée son prix de meilleur espoir à la Mostra de Venise.
Question réalisation, Luca Guadagnino fait le job, mais sans plus. Les plans son soignées, la lumière est belle, les mouvements de caméras son soyeux. Soit un travail appliqué mais pas davantage. Lui en revanche a volé son lion d’argent. Le film est superficiel, sans réel fond. Ca n’est pas le nanard du siècle, mais le film est bien dispensable.