Attention, toi qui n'a pas encore vu le film, cette critique déborde de spoilers!
Border est un film de fantasy Suédois sorti en 2019 et réalisé par Ali Abbasi.
Il relate l'histoire de Tina, douanière dans un aéroport.
Cette dernière parle beaucoup du fait qu'elle a toujours eu l'impression d'être différente.
En effet, Tina a le don de sentir la culpabilité des autres, ce qui l'aide à briller dans son travail, qui semble être la chose la plus importante de sa vie.
Tina est une femme très sensible ayant le sens des valeurs, cependant elle est également très laide, et le sait.
Un jour, elle rencontre Vor, un homme à l'apparence aussi laide qu'elle, et va développer une obsession pour ce dernier.
Une histoire d'amour va ainsi naître entre les deux personnages sur un fond d'enquête menée par Tina.
Vor va un jour lui apprendre qu'ils ne sont pas humains, mais sont en réalité des trolls, et va ainsi demander à Tina de tout laisser pour s'enfuir avec lui, cependant, cette dernière ayant toujours vécu comme une humaine n'acceptera pas.
Je dois avouer que ce film m'a assez émue et surtout fait réfléchir.
C'est en effet ce que j'attendais de ce dernier: il n'est dans un pas seulement un appel ouvert à la tolérance, mais aussi un beau message prônant la différence.
Border dit clairement au spectateur que bonheur et différence peuvent être conciliés, malheureusement, il ne nous cache pas pour autant que parfois ce bonheur nécessite de choisir l’égoïsme.
Cette problématique traite avec brillance le sujet du manichéisme, sujet que je considère comme essentiel dans notre cinéma actuel, qui oublie souvent la nuance, créant ainsi une sorte de monde parfait et donc une distorsion entre la réalité et le film.
Border met également en doute la façon dont nous percevons le «non humain» à travers la métaphore des «trolls laids» finalement plus beaux que les humains.
C'est donc la notion de beauté elle même qui semble remise en question, Tina déclare par exemple que personne ne l'a jamais trouvé belle, et la seule personne qui change cela est Vor, appartenant à sa communauté: nous pouvons donc nous demander si ce dernier s'intéresserait à elle étant humain.
Le film semble nous dire que ce n'est pas sa différence en tant que personne qui l'intéresse mais bien son état; on obtient ainsi une dissociation importante entre qui elle est et ce qu'elle est.
Car ce que Ali Abbasi semble vouloir nous dire, c'est que Tina, ayant grandit dans un milieu d'humains, et adoptant tous les jours un comportement humain, est métaphoriquement «moins troll» que Vor.
Et cela se remarque dans son comportement envers les autres: elle a honte d'aimer manger des insectes devant lui, et voit différemment le fait qu'il cache un enfant, cela tout simplement dû au sens moral dont elle dispose, ce qui l'a différencie légèrement de Vor.
Border aborde aussi les complexités que peuvent causer les rapports entre humains (ou non), ainsi nous retrouvons divers types de relations entre les personnages principaux, incluant l'évolution, ou la digression de chacun d'entre eux:
Au début du film, Tina bascule entre un sentiment de curiosité et d'attraction pour Vor, alors que ce dernier semble pertinemment savoir ce qu'il veut faire.
S'il y a par ailleurs une scène capable de démontrer cela, c'est bien celle ou Vor se fait fouiller par un collègue de Tina au début du film.
Dans cette scène, le côté animal de Vor est dévoilé par ce collègue,
qui annonce avec surprise à Tina que Vor possède un vagin.
Cette scène confirme l'appel a la tolérance de la part du réalisateur: le spectateur bascule entre la peine, l'incompréhension, voire parfois le dégoût en ce qui concerne le personnage de Vor.
Tina se comporte d'une façon différente avec son père, elle n'ose pas vraiment parler et leur relation semble plus complexe.
Nous pourrions ainsi penser que c'est parce que Tina et Vor sont de la même «espèce» que cela créé un lien plus «naturel» entre eux, cependant cette idée n'est qu'une supposition, les scènes ou Tina voit son père étant assez rares.
En ce qui concerne le colocataire de Tina, leur relation est vraiment basique.
La scène ou elle ne veut pas avoir de rapports sexuels avec ce dernier
est d'ailleurs importante car elle nous montre le mal être que Tina porte envers son apparence, mais aussi son questionnement identitaire.
On remarque qu'elle préfère d'ailleurs sortir de chez elle et rester dehors plutôt que de passer du temps avec son colocataire, comme une sorte de déni du monde réel, qu'elle ignore grâce aux bienfaits de la nature.
On note aussi une amélioration de la relation entre les deux personnages principaux, schématisée en même temps que Tina s’épanouit dans la découverte de ses «pouvoirs», et avance dans l'enquête (lorsque que Vor décide de louer l'appartement à coté de chez eux Tina se rend compte qu'elle a un don avec les animaux).
La relation arrive à son apogée lorsque les deux se donnent finalement l'un a l'autre tout en restant eux même (et grâce à la découverte de la vrai Tina).
C'est d'ailleurs à travers la nudité, l'amusement, et la passion (la scène d'accouplement, particulièrement violente et singulière, et faisant référence à cette apogée peut être utilisée en tant qu'exemple) que Tina et Vor vivent cet amour qui semble paradoxalement absolument «pur» car authentique.
Cependant, il est vrai que malgré toutes ces bonnes choses, je dois avouer que je m'attendais à mieux de la part de Border ayant reçu le prix «un certain regard» au festival de Cannes.
Le côté esthétique est irréprochable, l'histoire est intelligemment construite dans son ensemble, cependant Border devait être un choc pour le spectateur, la bande annonce nous promet un film dont on se souviendra pendant longtemps, ce qui ne fût pas réellement le cas pour ma part.
Après avoir discuté de cette déception, j'en ai déduis que ce choc était avant tout une question d'expérience personnel, et pour cela je ne blâme donc pas le film.
De plus, j'ai peur que certaines scènes soient de trop et n'aident pas réellement l'avancée du film, heureusement ces dernières ne sont pas nombreuses, et l'intention prime à mes yeux: en effet, j'espère tout comme le réalisateur que ce film à pu aider beaucoup de personnes à se questionner sur les notions de beauté et de respect tout comme il m'a aidé à le faire.
Border fait parti des films dont on doit parler, que l'on doit conseiller, et c'est donc ce que je ferait avec grand plaisir.