Deux hommes, un match, la légende. Fervent suiveur de Roland Garros depuis bientôt quinze ans, le tennis figure parmi mes sports préférés, et bien que loin d’être capable de le pratiquer avec autant de maîtrise que souhaité, il m’est arrivé plus d’une fois de rêver d’être Roger Federer, Rafael Nadal ou Novak Djokovic et soulever les plus belles coupes dans les enceintes les plus prestigieuses du tennis. Ces grands joueurs ont su nous faire vibrer et rêver maintes fois, et si notre époque a ses héros, les époques précédentes ont eu les leurs, comme Björn Borg et John McEnroe, deux légendes au destin incroyable, adulés, des géants aux pieds d’argile.
La citation d’Andre Agassi, sur laquelle s’ouvre le film, évoque rapidement l’état d’esprit dans lequel le film va évoluer. « Il est plus facile de vivre avec une déception qu’avec du regret » disait l’ancien numéro un mondial. Borg/McEnroe, c’est le chemin vers la confrontation ultime entre deux légendes du tennis sur le Court Central de Wimbledon en 1980, un duel épique qui est considéré comme étant le match du siècle. Le décor est vite planté, et l’opposition flagrante entre les deux personnages se manifeste rapidement. D’un côté, le suédois prodige, l’inflexible, celui qui ne montre pas d’émotions, modeste dans l’attitude, imbattable sur le court, et qui a déjà tout réussi. De l’autre, le jeune américain qui monte, fougueux et impétueux, pétri de talent mais au tempérament plus qu’atypique, n’hésitant pas à exprimer son mécontentement et sa frustration face aux arbitres, quitte à se mettre le public à dos.
Tout se présente donc comme un duel de personnalités, et pourtant le film évite ce piège et suit une démarche tout à fait différente, notamment en démystifiant le personnage de Björn Borg, en exposant ses faiblesses et le chemin semé d’embûches qu’il dut parcourir jusqu’à son accession au trône du tennis mondial. Le passé de John McEnroe est exposé de manière plus lacunaire et éclatée, notamment pour deux raisons. La première, c’est que John McEnroe incarne la relève, bien qu’âgé de seulement quelques années de moins que son adversaire, son affirmation sur le circuit ne se manifestera qu’ultérieurement, et le film a pour but de s’intéresser au passé de Borg pour le lier au futur de McEnroe. La seconde raison consiste en une volonté non pas de confronter les deux hommes, mais de leur trouver divers points communs pour, finalement, élaborer une synthèse de ce en quoi le sport peut influencer la vie, et vice-versa.
Ainsi, le film peut être schématisé comme un vaste entonnoir où les deux bords semblent très éloignés pour, au fur et à mesure, se rapprocher, et même se confronter, à l’image de ce tableau géant que dessine McEnroe dans sa chambre d’hôtel pour suivre la progression du tournoi jusqu’à sa finale espérée contre Borg. Finalement, tout semblait les opposer, mais ils se retrouvent ici au carrefour de leur vie pour mener ce duel épique qui ne pouvait qu’être extrêmement serré et disputé jusqu’au bout.
Même si le film semble se laisser aller à quelques élans de facilité, en dramatisant un brin trop, et en ne rechignant pas à utiliser un certain nombre de flash-backs, parfois abusifs, et d’envolées musicales, le film n’a de cesse de progresser dans l’intensité psychologique qu’il transmet, avec un match final très bien mis en scène et parvenant à retranscrire la grandiloquence de cette rencontre. Sverrir Gudnason est le parfait sosie de Borg, lui ressemblant à s’y méprendre, et Shia LaBeouf trouve ici un rôle qui lui colle parfaitement, entre le jeune joueur encore timide d’un côté, mais impétueux et fougueux de l’autre, livrant une très belle prestation qui fait du bien à voir. Bien mené, bien réalisé, bien joué, Borg/McEnroe s’inscrit dans la lignée de ces films qui ont su faire du sport un support pour raconter la vie, donner des leçons, faire rêver et faire réfléchir.