J’y étais. Du moins devant la télé avec papa. Un beau dimanche du mois de juillet. Toute une après-midi sans sortir de la maison. Un pur bonheur. Je n’avais pas vu le temps passé. Ces stars me paraissaient très âgées. Pourtant, Björn Borg n’avait que 24 ans et John McEnroe, au visage poupin, 21 ans. Ces gamins étaient les deux meilleurs joueurs du moment. Je préférais Borg pour ses silences et son assurance, mais j’attendais avec impatience les éclats du New-Yorkais. J’aimais les deux. Comme tout le monde, j’appréciais leur rivalité, la glace et le feu.
Ils s’étaient alors rencontrés à 7 reprises, mais jamais en Grand Chelem. Borg menait quatre victoires à trois. Cet improbable Suédois, perdu dans un sport de gentlemen anglo-saxons, est la première star internationale du tennis. Un sport qu’il a révolutionné avec son coup droit et son revers à deux mains liftés. Il fut le premier à accumuler les contrats publicitaires et les matchs exhibitions. Cette machine à gagner possède un ratio, inégalé à ce jour, de 84,11 % de victoires sur le circuit professionnel. McEnroe était l’étoile montante.
Le danois Janus Metz met en scène leur plus célèbre affrontement, Wimbledon 1980. En privilégiant Borg, il lève un coin du voile. Ce biopic peut être considéré comme « officiel », le propre fils de Borg ne joue-t-il pas le rôle de son père enfant ? Qu’y avait-il derrière le masque froid ? Un volcan. Le champion est un être à part qui ne vit que pour gagner. Borg fut un gamin teigneux et mauvais joueur, irascible et incontrôlable, jusqu’à sa rencontre avec Lennart Bergelin, un ancien joueur professionnel. Il signa un pacte faustien : il serait le meilleur, s’il parvenait à cacher toute forme d’émotion, la peur et la joie, la colère et le dégout, pour les infuser dans la balle qu’il assènerait sur son adversaire...
Magnifiquement joué par Sverrir Gudnason, Borg sait que sa première défaite à Wimbledon, le théâtre de sa plus belle série de succès, quatre d’affilée, signerait sa fin. Il ne vit plus que dans cette hantise. Il tente de contrôler son destin. La même limousine, la même chambre d’hôtel, la même fille, les mêmes routines... Alors que la plupart des champions s’amusent en boîte, Borg vérifie ses raquettes, l’estomac noué... Borg n’est pas un simple névrosé, mais une star au bord de l’abîme.
McEnroe veut gagner. Shia LaBeouf est moins ressemblant, mais demeure crédible. Lui aussi sera numéro un... Ses colères ne sont que le support de son extrême concentration. Il écrase en quart de finale son meilleur ami, Peter Flemming – son partenaire de double – sans lui accorder un regard. Sur le terrain, il tue.
Le match est décevant. Il est plus aisé de captiver par des dépassements périlleux (Le Mans 66 ou Rush) que par des échanges de balles. Ils ne parviennent pas à recréer la formidable tension qui saisit le court central. Une chance, ils ont été enregistrés. En voici le moment phare, le tie-break du 4e set.
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Borg a vaincu. Il a gagné un an. L’année suivante, McEnroe le bat, coup sur coup, en finale de Wimbledon et de l’US open. Brisé, le Suédois renonce et se retire à seulement 26 ans.