Sunset Boulevard est un film à effets de miroirs, de reflets et de déformation. Alternant entre film noir et comédie noire, Wilder joue sur le fil du rasoir avec la satyre. Celle-ci, omniprésente, démonte un système, cette machine à rêve que l’on appelle Hollywood. Dans son rapport au temps, qu’il contrôle grâce à ses films intemporels, mais qu’il impose sur ceux qui le composent, Hollywood est avant tout un système, qui nécessite de fonctionner malgré les passions et les egos de certain(e)s.
Sunset Boulevard est également un film rétrospectif, par le rôle qu’il consacre au muet et à l’évolution de son art, le cinéma. Ainsi jette-t-on sur le devant de la scène des gloires dépassés, qui ne sont plus que des pantins d’une machine infatigable. Von Stroheim, Buster Keaton, Gloria Swanson, Cecile DeMille... tous ont eu leur temps mais ne sont plus. Tous sont au... crépuscule de leur vie. Au loin, le soleil atteint son règne journalier pour laisser place à son ami crépusculaire. Et la boucle recommence.
Si l’on devine assez rapidement le sort réservé à Joe Gillis, une mort inévitable au fond d’une piscine que sa vanité désirait tant, celui de Norma Desmond demeure beaucoup plus incertain. Croyant pouvoir tout obtenir avec sa fortune et son opulence, il y a bien une chose qu’elle ne peut acheter: le temps. Ainsi tente-t-elle d’empêcher à la mort lente et progressive de son corps et de son esprit en décomposition.
Pathétique comme on fait rarement, le film est une véritable pièce dramatique, l'architecture des intérieurs de cette gigantissime demeure (enflée par le jeu d'ombres toujours plus grandes) illustrant parfaitement tout ce qu'il y a de plus repoussant dans l'esprit humain: vanité, cupidité et prétention.