Juste pour dire...
Le conte macabre de Billy Wilder exerce sur moi une fascination quasi masturbatoire. Il me tend, il m'habite, j'en suis tout secoué rien que d'y penser. Et quand je le vois, Dieu du Ciel, je suis tout turgescent.
Juste en fermant les yeux, parfois, il m'arrive de voir ceux, écarquillés, de la fanée Gloria Swanson. Son menton fier et, si je prête l'oreille, il n'est pas rare que j'entende encore résonner sa voix d'outre-tombe, vieille princesse claquemurée dans son palais de solitude devenu gourbi, elle qu'un prince aurait oublié d'embrasser pour qu'elle se réveille, elle qui reste cloîtrée dans sa tour d'ivoire carié, elle, bercée d'illusions ternies par l'inexorable course du temps qui passe.
Sans doute, la proximité formelle ostentatoire avec le cinéma fantastique auquel il emprunte son atmosphère mortifère n'est pas étrangère à mon trouble, cette progression proche de « La Quatrième Dimension » non plus. Et la musique fantasmagorique de l'étonnant Franz Waxman. Presque trop pour un seul homme.
Ses habits de film noir, froissés, délavés par la vérité cachée sous le fard, le cynisme comme reflet dans le miroir, l'addition est salée.
Mais j'aime à penser que c'est une porte sans verrou laissée entrouverte par ce réalisateur qui n'est pas loin d'être mon préféré, sur un monde qui s'accroche pour ne pas disparaître, sous son manteau de poussière et d'amertume, les derniers soubresauts d'une bête blessée.
La folie est une inlassable spirale qui enchaîne et entraîne ceux qui n'y prennent garde, un peu comme une villa au faste passé peut aussi devenir une prison.
Une maison hantée par des spectres, des statues de cire. La décrépitudes des lieux, une manière de château planté sur le Boulevard du Crépuscule, dans son jus depuis la gloire passée de sa propriétaire, la grande star du muet : Norma Desmond.
À l'abri d'un monde qui ne l'a pas attendu, Norma meurt, là, à petit feu. Avec un singe déjà froid et un majordome lugubre, vestiges d'un passé qu'elle garde à portée de main ou qu'elle enterre, pour les morts, à proximité, dans son jardin.
L'humiliation du scénariste, prisonnier volontaire d'une âme en peine, oublieux de ses rêves de jadis. S'il reste quelques miettes, il faut être prêt à faire la pute pour une poignée de gloire ternie et finir déchu, frappé par cette mante religieuse, comme un ange sans ailes, entre deux eaux, dans une piscine croupie.
Voir Norma, dans un dernier soupir, qui se dresse dans le halo du projecteur. Entendre son cri déchirant : « Je suis grande, ce sont les films qui sont devenus petits » et les volutes de fumée éphémères qui dansent autour d'elle, captivées par l'antique déesse, et l'habillent d'un linceul de gloire chimérique qui s'efface à mesure que défile la pellicule dégradée d'avoir trop été vue.
La bise.