C'est en 1950 que Billy Wilder met en scène Sunset Boulevard, nom tiré de la célèbre avenue de Los Angeles où l'on trouve les villas des stars hollywoodienne. Dès 1950, c'est pourtant un boulevard crépusculaire, symbolisé par d'anciennes stars d'un cinéma et d'une époque qui n'existent plus, que l'on a oublié avec le temps et l'entré dans le cinéma parlant. Le crépuscule d'Hollywood, un empire vacillant qui abandonne ceux qui ne savent pas s'adapter à l'ère du temps et qui vieillissent trop vite...


Dès le début et cette superbe scène d'ouverture, Billy Wilder nous plonge dans l'atmosphère du film et montre tout son talent. On entend la voix off d'un reporter déjà mort qui va nous raconter son histoire, celle d'un scénariste en panne d'inspiration qui va rencontrer Norma Desmond, une ancienne grande star du muet qui rêve d'un come-back au cinéma et d'un retour au premier plan.



We didn't need dialogue, we had faces.



C'est ce que se demande Norma Desmond depuis l'arrivé du cinéma parlant, pourquoi avoir besoin de dialogues lorsque des metteurs en scènes savaient capter toute l'émotion et la complexité des personnages grâce à leur visage ? Mais c'est une critique plus globale qu'orchestre Billy Wilder à travers cette extraordinaire mise en abyme. Il décrit avec cruauté et réalisme un monde qui n'hésite pas à détruire ceux qui l'ont porté au sommet, un monde où seule la rentabilité compte et un monde où tout est basé sur l'apparence. Wilder règle ses comptes avec cynisme, intelligence, subtilité et cruauté.


Dès l'introduction, Wilder intrigue puis peu à peu, fascine et passionne. S'appuyant sur une écriture d'une grande richesse (il a d'ailleurs co-écrit le scénario), il nous présente d'abord ce journaliste sans le sou qui tente de fuir deux agents venus saisir son automobile avant de le mettre, un peu par hasard et de manière inattendus pour lui, face à une ancienne star du muet et son inquiétant et troublant majordome. Puis il va mettre en place une relation de dépendance, de fascination et de mystère entre lui et Norma, tout en la décrivant comme mégalo, malheureuse et non consciente de la réalité.Il va peu à peu apparaître comme un gigolo, servant à Norma de concrétiser ses espoirs de retour sur le devant de la scène alors que Wilder nous fait ressentir de l'empathie pour Norma qui apparaît surtout comme une victime fragilisé de l'univers d'Hollywood. Les personnages sont approfondis et complexe, tout comme les relations qui vont se nouer entre eux et Wilder nous passionne pour eux et leur histoire.


Entre hypocrisie, illusion et cynisme, aucun personnage ne s'en sort indemne, que ce soit Norma, obnubilé par le cinéma, devenu son unique raison d'être, son majordome qui la conforte dans ses illusions ou encore Gillis qui va se retrouver pris dans la chute. Billy Wilder met en place une atmosphère troublante et fascinante. Mais surtout, il fait ressortir toute la dramaturgie de son récit, toute son intensité et toute sa puissance. Nombres de scènes sont marquantes et une fois de plus, Wilder prouve quel brillant réalisateur il était. Exemplaire derrière la caméra où il fait preuve de finesse et de fluidité, il nous offre de superbes plans-séquences et autres mouvements de caméra, qu'il maîtrise à merveille et toujours au service de son film.


Il bénéficie aussi de la superbe bande-originale de Franz Waxman, participant à l'atmosphère du film, ainsi que d'une photographie en noir et blanc, qu'il sait très bien utiliser. La force de "Sunset Boulevard" se trouve aussi dans son casting. Dès qu'elle apparaît, Glodia Swanson envahit l'écran dans ce qui pourrait être son propre rôle, elle qui a tourné avec Cecil B. DeMille et Erich von Stroheim. Ce dernier prête son immense talent pour les traits du majordome troublant et souhaitant à tout prix protéger Norma. Pour sa première collaboration (sur quatre) avec Billy Wilder, William Holden signe une excellente et difficile performance, faisant preuve d'une grande présence et résistant aux immenses interprètes qu'il a en face de lui. Wilder fait aussi apparaître quelques grands noms comme Buster Keaton lors d'une partie de cartes ou bien évidemment Cecil B. DeMille dans son propre rôle réalisant un remake d'un de ses anciens classiques de l'ère du muet...


Passionnant, cruel, cynique, puissant, dramatique, fascinant ou encore intense, les mots ne manquent pas pour décrire le chef d'oeuvre de ce génie qu'était Billy Wilder. Tout en réglant intelligemment ses comptes, il sonde l'âme humaine, ses illusions, ses apparences et son ambiguïté.

Docteur_Jivago
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le 13 avr. 2014

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le 19 sept. 2014

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