Richard Linklater a vu gros, très gros. Un tel projet nécessite un travail d'acharné, une organisation logistique des plus strictes, des ambitions débordantes. Rappelons-le en quelques mots : filmer par intermittence une troupe d'acteurs sur une période de douze ans pour raconter l'enfance puis l'adolescence d'un jeune garçon élevé par ses parents divorcés. De quoi raconter bon nombre d’événements rythmant le quotidien du protagoniste principal, forgeant son caractère, le maturant perpétuellement dans le temps afin d'atteindre l’accomplissement personnel, de quoi exposer toute la complexité de l'Homme, de la société et de son monde. En bref, il y a matière à livrer quelque chose d'unique, d'intemporel, d'un aboutissement ultime. C'est bel et bien ce que certains crieront, et à juste titre. D'autres percevront l'oeuvre avec un enthousiasme un peu plus modéré, et à juste titre également.

Pour ma part, la fascination était bien présente mais, à mesure que le temps passait, j'ai vu mon engouement diminuer peu à peu ; non par sa structure narrative, non par la prestations des protagonistes mais par cette représentation de la jeunesse, à mon goût quelque peu conventionnelle, et conventionnée toujours un peu plus au fil des minutes. Pourtant, il y avait de quoi faire. Divorces, remariages, nouveaux frères et sœurs, reconversions professionnelles et tout ce que cela implique, puis engendre. Le héros se situe décidément au beau milieu d'une spirale infernale, laissé comme spectateur principal de toutes ces péripéties, en compagnie de sa sœur. Malgré tout, il continue de vivre, d'avancer avec son temps et son entourage ô combien inconstant. La période de l'enfance est indéniablement la plus réussie. Toute cette naïveté, cette innocence réveille en nous d'anciens souvenirs mais aussi des émotions plus ressenties depuis...

Mais voilà, arrive le dernier tiers et, en toute logique, l'enfance est bel et bien révolue, l'adolescence prend le relais. Tout ce cheminement d'une fascination intense pour n'en arriver finalement qu'à de simples banalités, à mes yeux ornées de clichés tous plus prévisibles les uns que les autres. Voilà la cause de ce scepticisme. Le héros devenu adolescent, il s'est construit une personnalité, à mes yeux, des plus irritables. Pédant, l'air snobinard et le regard méprisant, mon attachement pour lui a fini par s'estomper à petit feu pour devoir supporter un gamin arrogant, frimant de ses connaissances musicales, de son inconsciente sensibilisation à la psychologie et de sa maturité à en faire rougir la gente féminine. Je sais que mon jugement peut paraître sévère et je m'en excuse auprès des fans, car il est certain que ce sont des traits de caractère propres à l'adolescence, tout de même représentés habilement. Mais au-delà des fiestas chez les parents, des feu de camp entre potes, des besoins de voyager loin, de faire de nouvelles rencontres, l’adolescente est tout de même bien plus complexe. Alors pourquoi n'avoir exploité, sur une durée de 2h45, que cette parcelle de l'adolescence, si simple, si linéaire, si stéréotypée ?

Pour ma part, Boyhood n'a donc pas été le chef d'oeuvre que j'attendais. Peut-être que l'originalité initiale du projet a parfois été un frein à toutes les valeurs devant être développées. Il est clair qu'une telle esquisse de la vie peut faire apparaître des fragilités traîtres, laissant à certains d'agaçants questionnements. Ou peut-être encore qu'avec le temps, les idées changent et les gens aussi. Un regard sur plusieurs protagonistes au contexte familial distinct aurait probablement clarifié ce qui, d'après moi, manque au film. Toujours est-il que Boyhood laisse un regard positif et plein de tendresse sur le temps qui passe, un touchant message d'optimiste et de gentillesse, parfois tout de même, entravé par son caractère stéréotypique...

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le 30 sept. 2014

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langpier

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