Cette critique contient des spoilers (oui, c’est possible, même quand y a pas d’histoire)
J’arrive au cinéma.
La caissière nous regarde, mes amis et moi, d’un œil un peu morne.
« Vous êtes sûrs de vouloir aller voir ce film ? Vous sortirez à minuit moins dix… »
Un instant, j’hésite, paniquée à l’idée de me retrouver enfermée aussi longtemps, je n’avais pas réalisé que le film durait presque trois heures.
Poussé par mes amis, j’entre dans la salle.
Je n’avais vu de Boyhood que la Bande Annonce, très américaine, et quelques rares critiques élogieuses sur Senscritique. Je n’étais donc pas débordante d’enthousiasme mais allez, un réalisateur avait consacré 12 étés de sa vie (à ce que j’ai compris) pour la réalisation de ce film. Dans tous les cas, ça ne pouvait pas être médiocre…
Ahah, que je croyais.
Ce rire sonne jaune, désabusé, presque hystérique.
Je ne sais pas ce qui a été le pire, vraiment, dans la montagne de clichés servis pendant deux heures quarante-cinq et je regrette à posteriori de ne pas avoir emmené un calepin avec moi pour y retranscrire ici quelques perles, ça m’aurait donné plus de matière et en plus, je me serais moins ennuyée.
Nous suivons donc la vie d’un gamin, qui doit avoir dans les six ans, jusqu’à son départ pour la fac. Le gamin est élevé par sa mère, séparée d’avec son mari qui revient d’Alaska (ou d’un endroit paumé dans le genre) au début du film. Ce gars est génial, le meilleur papa qu’on puisse imaginer (il est d’ailleurs doté des meilleures punch line, donc appréciez-les parce qu’à côté…) : il écrit des chansons pour se plaindre, bouhou, de pas voir assez ses enfants, il leur offre pleins de cadeaux, il sait comment leur parler, bref, il est trop cool.
Leur mère, à côté de ça, qui les élève bon gré mal gré (on a du mal à suivre son parcours, elle est tantôt riche, tantôt pauvre, on comprend notamment qu’elle sait pas gérer son argent cette conne –pardon), enchaîne les mecs cons comme des balais, parfois violents et presque toujours alcooliques. Heureusement d’ailleurs, puisque cela permet de sauver une demi-heure de film avec quelques scènes pimentées où l’autorité du beau-père terrorise toute la maison.
Morale de leur histoire : Madame aurait dû être plus patiente avec son mari chiant et immature, parce que résultat de son divorce, elle a galéré toute sa vie et elle se retrouve toute seule dans son petit appart devant sa table, à chialer « I just thought there would be more » (Cette phrase est so géniale, les critiques vont se pâmer devant Rich’ ! – I know, I know…)
Cette partie misogyne du scénario n’est que la face immergée de l’iceberg, mais je suppose que quand on fait un film sur la culture américaine, en matière de misogynie on peut tout se permette sans avoir à se justifier de rien (« Tu vas t’taper pleins de petites chattes à la fac mon fils, c’est le seul intérêt d’ailleurs, alors profite, rire gras »).
Et ce n’est pas fini ! Alors que je larmoyais de désespoir en écoutant vaguement les hit pop américains sensés être représentatif de toute une génération de jeunes adultes (sérieux, sa BO je suis sûre que je la trouve en playlist sur youtube), voici que le film m’offre une scène surréaliste, que je ne peux m’empêcher de vous retranscrire plus ou moins telle quelle :
« Bonjour jeune immigré mexicain qui travaillez à refaire la gouttière de mon jardin !
- Bijour madame, si pas du beau travaille que je fais ?
- Oh oui, bien sûr, mais… pourquoi faites-vous ce métier ? Vous devriez vous lancez dans des études pour en trouver un plus décent…
- Si vrai madame, mais je dois travailler si dur pour nourrir mes cinq enfants, je n’ai pas du tout le temps…
- Ah ! Adorable et naïf travailleur, prenez des cours du soir, réalisez votre American Dream ! »
Gros plan. Regard penseur du travailleur et gentiment maternel de la mère de famille. C’est bô.
Morale de leur histoire ? Ils se retrouvent dix ans plus tard dans un café et le travailleur, dont la vie a complètement changé grâce à ce merveilleux et pourtant si simple conseil (comment personne n’a pu y penser avant ?), vient pleurer de reconnaissance à ses pieds, la qualifiant de femme exceptionnelle. Quand je pense que sans elle, il aurait bêché des jardins toute sa vie pour y refaire les canalisations, ça me fait chaud au cœur (*vomis*).
Une question me taraude subitement. Quitte à faire un film sans scénario sur une période aussi longue, sans esthétique particulière (sérieusement les gars, ce film est moche) ; pourquoi ne pas choisir le format du documentaire ? Ça aurait au moins permis d’éviter de voir le « héros » du film, banal (limite moche pour certains) sortir qu’avec des bombasses, ça nous aurait épargné les discours pseudo-philosophiques dégoulinants et creux (à leur apogée à la fin du film « c’est pas nous qui contrôlons le temps, c’est le temps qui nous prend, qui nous rattrape, qu’on n’a pas de prise sur lui, tu la sens la profondeur de ce que je dis ? »). Le film se perd dans la fiction, ne va nul part, il n’y a pas d’enjeux, pas d’attachement, que du vide, pendant deux heures quarante-cinq on ne fera qu’effleurer les choses, exposer des banalités sans que le génie, la grâce ou l’intelligence ne fassent jamais surface. Ce projet, un peu fou, qui promettait tant, n’est finalement, pour moi, que le degré 0 du cinéma.
Je ne sais pas à qui ce film peut plaire (et pourtant, il plait !), pour ma part, je cède ma place et souhaite bien du courage à ceux qui ne l’ont pas encore vu et que ma critique n’aura pas découragé. En espérant pour eux qu’ils trouvent passionnant et se reconnaissent dans UN PLAN DE 10 MINUTES SUR DES GAMINS ALLANT ACHETER LE DERNIER HARRY POTTER, DEGUISES EN SORCIERS socute.
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