Pendant longtemps, l'épopée, genre favori des studios dans les années 60, ne fut plus. Après l'échec de La Chute de l'Empire romain, les studios se rendirent compte que de tels films ne déplaçaient plus les foules. Alors, ce genre sublime qu'est l'épopée disparut, d'autant plus qu'arrivait le mouvement connu sous le nom de « Nouvel Hollywood », où les films se faisaient plus personnels et moins axés sur le grand spectacle (du moins pour certains d'entre eux, d'autres sont pleinement des films à grand spectacle, comme Apocalypse Now, Le Parrain ou encore La Porte du Paradis).
Dans les années 90, un film rendit aux épopées toute la place qui leur revenait dans le paysage cinématographique, en apportant la touche d'authenticité et de brutalité que beaucoup avaient recherchés et peu avaient atteints. Ce film est Braveheart. Et paradoxalement, le grand fan d'épopées que je suis ne l'avait jamais vu.
Et le moins que l'on puisse dire c'est que Mel Gibson (dont c'est la première réalisation) se débrouille à merveille. La passion avec laquelle il filme les paysages d'Ecosse, les moments intimes ou romantiques, les amours de William, les scènes de bataille et les intrigues politiques est palpable. Il a dit s'être inspiré de films comme Spartacus ; il faut avouer qu'il surpasse ses modèles, tant le souffle épique de son œuvre se sent. Il est donc un excellent metteur en scène, et il est urgent qu'il s'adonne à d'autres épopées, car son talent en ferait encore des œuvres splendides.
Pour autant, quelque chose dérange dans Braveheart : son manichéisme. Franchement, c'est tellement visible que la chose en devient presque caricaturale. Les anglais sont très méchants et les écossais sont des gentils messieurs/dames qui défendent leurs terres (sauf les traîtres, mais c'est normal ils sont alliés aux anglais). Certes les écossais tuent, mais toujours parce que leurs ennemis sont mauvais et fourbes. D'habitude, j'aime bien le patriotisme dans un film, quand ce n'est pas bête, mais là, le mot « patrie » revient toutes les 3 secondes, et vas-y que je t'envoie du « vive l'Ecosse » à tous bouts de champs... un peu gênant quoi. C'est quelque chose qui dérange et peut faire décrocher du film. Durant les trois premiers quarts d'heures du film, j'ai souffert de ce manichéisme évident et consternant. Wallace se comporte comme un monstre, pour son pays, et Gibson semble vouloir nous persuader que c'est bien, que la cause écossaise vaut bien ces « bavures ».
C'est alors qu'arrive le dernier quart d'heure. Et là, une hypothèse arrive, et ça change tout.
Gibson laisse clairement sous-entendre que Wallace s'est battu, non pour l'Ecosse, non pour la liberté, mais seulement par vengeance. On a tué la personne qu'il aimait, il voue, pour cela, tous les anglais à sa revanche. D'ailleurs, quand il rentre, veut-il faire la guerre ? Pas du tout, il ne souhaite que la paix. Ce n'est que lorsque son épouse est tuée qu'il prend les armes.
À ce titre, la fin est particulièrement forte. Premièrement de par sa violence, deuxièmement parce qu'elle achève ce processus. Wallace hurle « Liberté ! » mais surtout, il voit Murron avant d'être décapité. La fin est donc loin d'être un « Happy ending ». Au contraire, elle apporte une sorte de conclusion morale : la vengeance ne mène à rien.
Un mot sur le casting : excellent. Y compris Sophie Marceau, dont le jeu très sobre convient parfaitement. Ma palme irait quand même à Patrick MacGohan, qui semble s'amuser comme un fou dans le rôle d'Edward le Sec, roi d'Angleterre.
Tout le monde a dit à quel point la réal était maitrisée. Tout juste certains costumes manquent-ils de crédibilité, et certaines foules, de figurants.
Verdict : une épopée qui, sans être parfaite, est cependant transportée par un souffle digne des plus grandes. Je ne le classerait pas parmi mes films préférés du genre (parmi lesquels se trouve Le Seigneur des Anneaux et Le Cid), mais ce film reste très bon et mérite d'être vu.