Tout est collectif et uniformisé dans l'univers Brazil et rien n'est individuel. L'habitat est collectif, le travail est bureaucratique, la surveillance est omnisciente, le système est totalitaire. Une fourmilière géante à taille humaine. Seule une poignée de privilégiés bénéficie de la chirurgie esthétique, des restaurants chics et du luxe dans cet enfer. «Comment savez-vous si la Terre n'est pas l'enfer d'une autre planète ?»se demandait Aldous Huxley.
L'environnement de Brazil décrit un monde normatif et grotesque, à la fois sérieux et absurde, ayant une parenté avec l'univers des Monty Python et une synchronicité avec 1984 d'Orwell. Cet environnement de type kafkaïen est parfois en avance sur son époque. La panne de climatisation qui joue un grand rôle dans le scénario laisse supposer que le développeur a prévu dès 1984 les températures caniculaires du siècle suivant et la généralisation des pannes complexes. Suite à l’appauvrissement généralisé les grosses canalisations qui traversent les bureaux et les tubes pneumatiques ont remplacé la fibre optique. Autant dire de suite que le background est du genre pessimiste, même s'il est en partie réaliste, et montre une défiance certaine envers le futur et la technologie.
Le scénario Brazil décrit un pouvoir répressif et parle en négatif de la liberté (cf le slogan La liberté c'est l'esclavage) et suit la célèbre recommandation de Georges Orwell:
«Parler de liberté n'a de sens qu'à condition que ce soit la liberté de dire aux gens ce qu'ils n'ont pas envie d'entendre.»
La routine bureaucratique de l'agent du Ministère de l'Information officielle, le matricule DZ 015 Sam Lowry, est perturbée par l'inclusion d'un diptère non piqueur_ une mouche (ou un bug en bon franglais). Le patronyme du terroriste Tuttle sera remplacé par celui de l'individu Buttle, ce qui provoquera l’irruption aussi inopinée que brutale des forces dites de l'Ordre chez le dénommé Buttle. Sam Lowry va à cette occasion découvrir l'amour en la personne de Jill Layton, ce qui va l'emmener à la dissidence, comme dans le roman 1984.
Le gameplay. Brazil est une démo de jeu d'action où le joueur peut incarner plusieurs personnages dans plusieurs univers différents. La mission de Sam le fonctionnaire est de sauver Jill Layton. Sam est amené à imposer ses méthodes de travail à Jill pour passer des niveaux. Le joueur ou la joueuse peut aussi incarner Jill et conduire un gros camion dans la ville. Là aussi l'équipe de Terry Gilliam a fait fort et a prévu les développements postérieurs à Grand Theft Auto V où le conducteur principal devient une conductrice à partir de 2023. Le joueur peut aussi s'il le veut jouer le rôle d'un super plombier moustachu, un spécialiste du saut de plates-formes. Dans la démo le plombier sauve Sam en sautant de son balcon, attaché à une corde le menant vingt étages plus bas. La partie réelle de cette séquence a été tournée du haut d'un appartement de Noisy-le-Grand. Les nombreux adversaires que le joueur devra affronter seront la mère de Sam qui a le super-pouvoir de rajeunissement perpétuel, les petits chefs bureaucrates aux forts pouvoirs de nuisance, les warriors suréquipés du Ministère de la Torture, se méfier des faux amis les collègues délateurs Enfin, et ce n'est pas la moindre surprise, les amateurs de RPG et de jeux de samouraï pourront s'incarner soit en Sekiro soit en son adversaire le chevalier volant et essayer de franchir les obstacles représentés par les immenses tours qui sortent une à une de terre.
L'impression que laisse Brazil est on l'aura compris celle d'une longue démo à l'esthétique soignée, aux décors variés avec des univers particulièrement travaillés. Terry Gilliam nous fait découvrir plusieurs univers différents originaux pour l'époque qui ont le défaut de ne pas être toujours cohérents entre eux et d'être éloignés les uns des autres. La principale cause de cette impression de fourre-tout vient des contraintes occasionnées par le contexte. Tourné en 1984, la volonté d'illustrer la dystopie sombre d'Orwell, métaphore du totalitarisme, vient se télescoper avec l'humour absurde d'un ancien Monty Python. La sévère mise en garde d'Orwell « Faites en sorte que cela ne se produise pas. Cela dépend de vous. » en ressort amoindrie par les interventions de la camionneuse, du chevalier volant ou du super plombier. Cette contradiction permanente se résume par les deux versions successives du dénouement: un happy end avec le super-plombier descendant du ciel en sauveur et une fin flippante avec la torture du joueur filmée dans le décor anxiogène de la tour de refroidissement d'une centrale nucléaire abandonnée.
La conclusion de Brazil par une chanson, que l'on peut rapprocher de celle de La Vie de Brian: Always Look on the Bright Side of Life ! parvient à réunir in extremis les deux inspirations contradictoires. Aucune barbarie ne pourra enlever la musique qui est au fond de soi.