Bien que Kieslowski soit un cinéaste important que l’on a tendance à oublier, auteur de chefs d’œuvre comme Le hasard ou d’excellents films comme L’amateur, il peut aussi se tromper.
Tout d’abord, ce scénario ne tient pas du tout dans le format long-métrage, ce qui affecte le rythme du film et le plaisir de voir : l’introduction, visiblement trop allongée, ou simplement mal mesurée, est interminable, les scènes de voyeurisme initiales devenant redondantes et assez vite vaines et superflues si bien que le spectateur a du mal à adhérer à une histoire qui n’en finit plus de se mettre en place.
Ensuite, le personnage du voyeur, psychologiquement bien cerné, est victime du regard ironique du cinéaste à tel point qu’il ne bénéficie jamais de sa compassion; au contraire, il subit sa moquerie, créant ainsi une distance irréductible entre le personnage et le spectateur qui ne peut lui aussi que condamner moralement et psychologiquement cet être désorienté et perdu en lui-même, dans ses désirs inassouvis et inexprimables. La fin, d’ailleurs (différente du moyen-métrage du Décalogue), allant dans ce sens : cet homme ne mérite vraiment pas d’aimer, il doit subir la loi de la Providence et est puni par la Fatalité. Bref, quelque chose de gratuitement méchant et cruel à la Haneke.
Enfin, s’ils semblent au début pertinents et assez drôles, les symboles qu’emploie Kieslowski prennent par la suite le parti pris de la grossièreté, tant par les images sexuelles qu’il y associe que par l’insistance du recours à eux. Ils participent par ailleurs à la création d’un univers très mental au détriment de la sensation ou de l’action, foisonnant de symboles et conduisant le spectateur à une sorte de réflexion passive, celui-ci étant amené à penser comme on veut qu’il pense.
Toutefois, Kieslowski sait bien construire des ambiances (la chambre avec le télescope, le tissu qui le recouvre, le réveil, la mère de l’ami, le jeu sur les couleurs dans l’immeuble et l’appartement d’en face, l’absurdité administrative, … ), définir psychologiquement un personnage (la passivité du regard, la manie voyeuriste annonciatrice du pornophage contemporain) et établir une critique dialectique du regard (le regardeur regardant puis le regardeur regardé et enfin le regardé se regardant).
Un film plein de théorie donc, mais avec trop peu de pratique.