Alors que la Seconde Guerre mondiale vit ses dernières batailles, David Lean travaille sur une nouvelle idée, traiter de l’infidélité et de la vie conjugale. Comme pour ses trois premiers films, le scénario est signé par le célèbre dramaturge Noël Coward, le Sacha Guitry local, qu’il abandonnera bientôt pour Charles Dickens.


L’histoire est d’une simplicité rare. Un homme et une femme, Laura (Celia Johnson) et Alec (Trevor Howard), sages et heureux dans leurs vies de couple respectives vont connaître une passion intense, clandestine et sans issue. Pour ménager des pauses burlesques dans ce drame familial, David Lean nous offre un second duo, comique : grande gueule fière d’avoir chassé et tué son premier mari, la patronne du bistrot flirte avec le chef de gare. Le film s’ouvre sur leur marivaudage. La caméra ne s’attarde pas sur Laura, présentée comme une simple cliente qui attend son train.


Pour l’essentiel, Brève Rencontre est tourné dans la gare de Carnforth (Lancashire), que les admirateurs de David Lean ne manquent pas, aujourd’hui encore, de visiter. Le passage des express scande le film. Chaque jeudi, Laura vient y faire des courses. Le même jour, Alec remplace un camarade médecin à l’hôpital. Ils vivent dans des univers lointains et n’avaient aucune chance de se rencontrer, jusqu’à l’escarbille – les locomotives sont au charbon – dans l’œil de Laura, qu’Alec ôte d’une main habile. Les deux étrangers se retrouvent la semaine suivante au restaurant, il est bondé, Laura l’invite à sa table. Ils plaisantent et passent un agréable moment. Sans y prêter attention, ils s’arrangent pour se retrouver la semaine suivante. Ils rient, comme de vieux amis, qu’ils ne sont pas. Ils ne font rien de mal, mais évitent d’en parler à leurs proches. Bientôt, ils mentiront pour le cinéma, la sortie en voiture et la garçonnière du copain.


Ne les jugez pas trop vite. Ce n’est pas une simple histoire d’adultère entre un coureur et une femme volage. Du tout. Ils aiment leurs conjoints et leurs enfants. Ils sont heureux. Tout au plus s’ennuient-ils un peu. Leur vie manque de fantaisie. C’est si bon de rire. Laura résiste un peu. Alec est plus entreprenant. C’est magnifiquement joué, tout en retrait. Laura hésite, sourit, recule, revient... une dernière fois...


Deux scènes magnifiques, parmi d’autres, car tout est beau et simple, un pléonasme, dans Brief Encounter. Ils vont se quitter, ils ont anticipé leur séparation, préparé des mots tendres mais définitifs à échanger, tels des viatiques pour la route... Quand une fâcheuse s’assied à leur table et parle, parle et parle. Elle ne voit rien et ne devine rien. La sirène du train d’Alec retentit. Crucifié, il se lève et pose sa main, plus longtemps que nécessaire, sur l’épaule de Laura... Elle se précipitera, trop tard. L’épilogue est magnifique. Dévastée par l’émotion trop longtemps contenue, Laura rentre chez elle. Le mari, que l’on imagine banquier, benêt et aveugle, l’attend. Il n’a rien vu, mais tout deviné. Il l’accueille d’un : « Merci de revenir à moi », avant de l’enlacer. Il lui a déjà pardonné.

Step de Boisse

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