Brewster McCloud est un garçon lunaire qui vit dans un réduit du sous-sol de l'Astrodome, une salle de spectacle. Chaque fois que quelqu'un l'ennuie, Louise, une jeune femme souriante en loden apparaît dans les parages, l'importun se prend une fiente sur le front, et on le retrouve peu après étranglé. Ainsi de l'employeur de Brewster, un mafieux hémiplégique à qui il sert de chauffeur. Puis d'un flic pourri des narcotiques qui veut lui extorquer un appareil photo (effectivement volé). Puis d'un gars qui menace physiquement Brewster parce que ce dernier lui a volé sa bagnole de sport orange et noir. La police envoie son meilleur élément, Frank Shaft, pour élucider l'affaire. Frank se retrouve en concurrence avec un vieux flic local, Hines, et on lui colle un gars de la circulation, Johnson, un brave type mais pas une flèche.
Mais aucun de ces personnages n'arrive à quoi que ce soit. Il faut que Suzanne Davis (Shelley Duvall), une guide touristique, fasse découvrir l'amour à Brewster pour que celui-ci lui dévoile l'histoire de sa vie : il construit une machine permettant de voler à la force des bras, et ceux qui l'en empêchent meurent. Affollée, Suzanne appelle son ex, qui bosse pour une huile des flics. L'étau se resserre autour de Brewster, abandonné par son ange-gardien. Il décolle, mais ne parvient pas à s'échapper de l'astrodome, meurt et s'écrase. Générique,avec le cast qui apparaît en déguisements de cirque.
C'est un film qui repose, comme souvent chez Altman, sur une situation de départ cocasse, dont les corrollaires sont développées. Avec deux rôles féminins marquants, ici : d'abord Sally Kellerman en blonde hitchcockienne au sourire énigmatique et inquiétant,, qui joue le rôle d'ange/démon-gardien, apparemment dotée de pouvoirs d'ubiquité (ou de zoomorphisme ?). Ensuite Shelley Duvall, dans son tout premier rôle, qui colle déjà à ce qu'on lui proposera plus tard : une excentrique paumée dotée d'une grande sensibilité. Ici, elle dégage d'ailleurs une sensualité rare.
Le film est entrecoupés d'extraits de conférences sur les oiseaux délivrés par un professeur (Robert Auberjonois) dont le comportement ressemble de plus en plus à celui d'un oiseau. Au point d'en être inquiétant.
Outre Hitchcock, le film regorge de trouvailles, de clins d'oeil à qui sait voir. J'aime bien la séquence où Brewster essaie de se fondre dans un groupe de touristes alors qu'il porte un pull blanc rayé de rouge, exactement comme Charlie (Où est Charlie ?). Il y a aussi une séquence de poursuite avec deux bagnoles de sport et une bagnole de flics qui se poursuivent en décollant sur des dos d'âne au ralenti, ou en passant sur un pont de chemin de fer sur une musique country... ça ne vous évoque rien ? Shériff fais-moi peur, bien sûr. Mais 10 ans avant. Il y a aussi beaucoup d'allusions à des polars seventies comme Bullitt, avec le personnage jubilatoire de Shaft, le mec en col roulé qui n'arrête pas d'entrer en conflit avec sa hiérarchie et de dire des trucs paternalistes du genre "T'es un bon flic, Johnson", alors qu'il n'avance pas d'un centimètre et a une fin grotesque. La bande-son de sa scène de poursuite est d'ailleurs un hommage à Lalo Schifrin
De manière générale, beaucoup de codes du polar sont tournés en ridicule, comme Shaft s'énervant en attendant ses analyses de fiente, ou (un plan qui m'a beaucoup fait rire) ces mecs qui sortent d'un air décidé d'une bagnole, de nuit, et l'un d'eux se retournent et râlent parce qu'il y en a un qui a oublié de fermer sa portière : ou comment bousiller le tempo hollywoodien classique.
Les flics sont notoirement ridiculisés. J'aime bien.
Il y a aussi des non-gags, comme le fait Tati (avec qui, à mon sens, Altman a pas mal en commun). Deux flics se demandent si une cigarette est bien faite de marijuana. L'un d'eux dit : "There's only one way to tell". L'autre comprend, et sort un briquet. Le premier finit sa phrase : "send it to the lab". Le premier range son briquet en faisant "Ho". Un humour assez raffiné.
Alors bien sûr, arrivé à la fin du film, on est tenté de se dire : tout ça pour ça, une histoire absurde qui finit en queue de poisson. Mais le voyage valait le détour, ne serait-ce que pour ces plans cocasses, à l'humour tantôt corrosif, tantôt .surréaliste. Par exemple cette chaise roulante avec un gangster à la tête tâchée d'une fiente qui descend une voie rapide en semant le chaos dans la circulation. Dans quel autre film hollywoodien peut-on voir cela ?