Car quand on aime vraiment, tout est possible !

Brigadoon est un film musical nettement à l'écart des comédies musicales américaines habituelles de, par exemple, Stanley Donen et de tant d'autres cinéastes, qui conservent toujours un aspect festif ou jubilatoire et, la plupart du temps, un registre prononcé de comique. Brigadoon se veut être un film onirique. On est beaucoup plus dans le registre de "l'aventure de Mme Muir" de Mankiewicz où le rêve prend le pas sur la réalité.

D'abord le fond de l'histoire qui est la découverte d'un village inconnu par deux chasseurs new-yorkais perdus dans les Highlands écossais, faisant un break de leur vie citadine trépidante.

On sait bien que l'Ecosse est le pays qui a toujours su adroitement mêler traditions et légendes celtiques : les légendes du Korrigan, les highlands, les châteaux hantés, les fées, etc. Et là, on ne sera donc pas surpris qu'un village perdu au milieu des highlands a décidé, pour échapper au pouvoir des fées, d'avoir une échelle de temps dilatée. Le village s'endort chaque soir pour ne se réveiller que 100 ans (réels) plus tard. Les villageois en étant à leur troisième journée vivent donc comme au XVIIIème siècle…

Vincente Minnelli a adapté au cinéma un spectacle éponyme de Broadway. N'ayant pas réussi (ou voulu, je ne sais pas) à tourner en décors réels dans les highlands, le film est donc entièrement mis en scène en studio dans des décors énormes de peintures, des paysages pastoraux et de constructions en carton-pâte (le pont, les chaumières, la colline aux bruyères) mais qui accentuent encore l'aspect onirique et irréel. Ces beaux décors artificiels sont une idée de génie car dès que les deux "new-yorkais" approchent du village, on ressent la magie et le dépaysement tandis que les brumes se dissipent, que le soleil commence à briller laissant voir un monde – ancien et étrange - en train de se réveiller et de reprendre leur activité habituelle dans une joyeuse ambiance villageoise. On est clairement en train d'entrer dans un univers "fantastique" si agréable qu'on pense fugitivement à "Lost Horizon " de Capra. Tout ce beau monde est heureux de commencer une nouvelle journée, chante et danse d'autant que ce jour est jour de mariage. Les costumes sont magnifiques et contribuent à la magie, les hommes en kilt et tartans différents suivant les clans, les femmes dans de splendides vêtements très colorés.

Les acteurs, danseurs et chanteurs ne sont pas de reste.

Les deux personnages new-yorkais sont Gene Kelly et Van Johnson. Le premier, rêveur et romantique tombe sous le charme du village qui l'attire irrésistiblement alors que le second, pragmatique et réel, ne parvient pas à oublier qu'il est venu en Ecosse chasser la grouse (et non faire le joli cœur). D'ailleurs quand une jolie villageoise s'offre très crûment, il ne songe qu'à fuir ce monde décidément étrange.

La rencontre hyper romantique entre Gene Kelly et Cyd Charisse est un moment de grâce magnifié par des danses divines et des chansons très tendres. La scène dans le champ de bruyère est, je crois, à juste titre, une scène culte.

Les autres acteurs/chanteurs y compris les nombreux figurants sont aussi très investis dans leur rôle.

Le point de bascule du film se produit le soir au moment où le village va s'évanouir dans les brumes alors que Cyd Charisse avoue son amour mais que Gene Kelly ne parvient pas à se décider. La transition vers le retour dans un New York artificiel et survolté est un choc intense un peu comme le réveil brutal vers un monde réel et triste après un rêve délicieux. Tout ceci aidera Gene Kelly à décider que la seule "vraie vie" à suivre est bien celle de Brigadoon. Et puisque "quand on aime vraiment, tout est possible", il ne sera peut-être pas nécessaire d'attendre cent ans…

Film envoûtant, magnifique et délicieux dans lequel je tombe (avec un immense plaisir) toujours sous le charme.