Depuis toujours, humains, elfes et orcs se côtoient. Daryl est un flic quinquagénaire de LAPD qui fait équipe avec le seul policier orc de Los Angeles et les tensions ethniques rendent cette collaboration vraiment difficile. Arrivés sur les lieux d’un crime, ils découvrent un complot aux racines millénaires et aux conséquences apocalyptiques.
Un film Netflix et en plus avec Will Smith, ça s'annonce mal. Le réalisateur n’est pas particulièrement connu, comme souvent dans ce genre de produit de consommation. Et le pitch laisse songeur. Il y a de quoi faire quelque chose d’original ou une bonne grosse bouse.
Et ben bingo ! Le résultat est stupéfiant ! Bright est un film d’urban fantasy assez subtil qui brille par la richesse de sa transposition dans le monde moderne. Les rôlistes se régaleront de voir les caricatures des races de fantasy délicieusement adaptées à notre époque. Les elfes sont des gros riches hautains, les orcs des gros bourrins et les humains des gros cons. Car oui, au-delà du scénario, l’histoire est profondément misanthrope. La police est corrompue, les humains sont racistes (toutes couleurs de peau confondues, ça fait un bien fou qu’on soit enfin tous mis dans le même panier !), ils s’accrochent à un cartésianisme pourtant démenti par le passé ainsi que par la magie et ne comprennent pas grand-chose à la réalité.
Le scénario sort tout droit de donjons et dragons : une baguette magique ultra-puissante avec une princesse/prêtresse/demoiselle sans défense à protéger, des méchants de partout, une enquête à effectuer entre deux bastons et des personnages joueurs (les deux héros) très différents. On a droit aux rebondissements classiques du genre avec les inversions gentils-méchants méchants-gentils, l’interminable course-poursuite (c’est l’essentiel du film), et l’inévitable surprise de la fin qu’on voit venir depuis le début. Mais les images sont plutôt bien faites, la magie est assez sobre, et la transposition dans une ville moderne est jubilatoire.
Niveau acteur, tout repose sur la prestation de Joel Edgerton, acteur vétéran réellement talentueux et méconnaissable sous son maquillage. À force de traîner sur les plateaux de cinéma, Will Smith a fini par acquérir quelques compétences, mais joue toujours le même personnage quels que soient les films. Noomi Rapace est terrifiante en sorcière et tous les acteurs habitent leur rôle avec une aisance rare au sein d’un casting. Les seconds rôles, la pléthore de méchants jusqu’au fédéral elfe constipé, tous sont crédibles dans leurs personnages. Le maquillage y fait sûrement beaucoup ; il est très difficile de reconnaître un visage dans ce bal costumé.
Le fait est que la sauce prend et on court avec ces deux pauvres flics qui trimballent sous les balles une nymphette survoltée et son chargement nucléaire. La cupidité des hommes (les flics corrompus et les gangsters), leur scepticisme devant la magie et les prophéties (Ward, les flics et le crétin qui attrape la baguette) ainsi que leur duplicité (les flics corrompus) sont impitoyablement démontrés. Comme toute œuvre fantastique, elle met en lumière l’abrutissement de notre société et sa dépravation. Ce n’est pas nouveau, certes, mais c’est très joliment démontré.
Apparemment, Netflix modifie sa ligne commerciale et arrête de produire industriellement de la dégueulasserie. Ils semblent se fendre de véritables artistes comme ce monsieur, David Ayer. Tant mieux ! Un tel monde mériterait au moins une suite, même avec Will Smith.