Vous vous direz sans doute encore une fois, en comparant mon sept tout pété à la pauvre moyenne du film sur le site, que je me suis à nouveau entiché d'un canard boiteux.
Il y a peut être de cela, oui. Mais permettez-moi aussi, par le biais de ce billet, de manifester ma déception. Car oui, décrire de manière lapidaire Brightburn : L'Enfant du Mal par le seul « Et si Superman était méchant ? », pour mieux le démolir ensuite, est décevant. Et réducteur, aussi. Et paresseux, oui, d'une certaine manière.
Oui, il y a du super qui pète les plombs, comme Garth Ennis a pu le décrire dans son formidable The Boys. Oui, le film joue à fond sur cet aspect, avant de le faire dériver vers une sorte de nihilisme baigné de débordements gore virant au slasher pur.
Et si Brightburn souffre de quelques scories d'écriture paresseuse, ne retenir que son argument de départ occulte presque totalement la question qu'il pose. Car avant tout, le evil Clark en herbe qu'il met en scène évolue au sein d'une famille.
Brightburn reprend ainsi à la quasi identique l'environnement du héros de Joe Schuster et Jerry Siegel : la ferme du Kansas, le couple infertile, les jours heureux des premiers âges de la vie et l'amour voué à un enfant venu des étoiles, comme répondant à une prière qui aurait enfin été entendue. Les Breyer sont forcément bons et élèvent leur fils comme s'il était de leur propre sang. Un fils désiré, un fils spécial comme se plaît à le répéter sa mère, débordante d'affection.
Mais Brandon ressent par instinct qu'il est autre. Qu'il restera un étranger au monde. Avant que tout ne parte en vrille, alors que l'oeuvre semble emprunter les chemins du film de possession démoniaque.
C'est ainsi que Brightburn : L'Enfant du Mal, tout objet de divertissement tendance horrifique dérisoire et anodin, questionne la part d'inné et d'acquis se disputant la psyché en construction d'un enfant. Si celui-ci est tombé du ciel, a-t-il été envoyé sur Terre à dessein, programmé pour prendre le monde ? Sa part d'ombre prend-elle racine dans ses origines, ou répond-elle à son instinct qui lui souffle qu'il est le fruit d'un secret bien gardé ?
Et l'on se rend compte que toute la (sur)protection maternelle et la chaleur du foyer n'auront pas suffi à ces Kent modernes pour éviter que leur fils adoptif ne leur échappe de manière sanglante. Un couple peut être un peu moins uni qu'il n'y paraît, le cauchemar du père et son attitude plus mesurée en disant long sur ce qui a pu se passer le soir du crash, où le désir de maternité a enfin été satisfait en dépit du bon sens.
Le gamin déséquilibré et psychopathe de Brightburn lance donc des ponts insoupçonnés vers des films jugés plus sérieux et fréquentables par beaucoup, sans doute, comme We Need to Talk About Kevin. En attaquant de front la part du mal d'un être que l'imaginaire et la qualité de parent ne peuvent qu'envisager comme innocent par nature. Mais aussi, plus surprenant, vers Splice, de Vincenzo Natali, dans la manière dont le secret entourant la « créature » échappe à un couple qui joue aux apprentis sorciers dans une expérience qui leur explose littéralement au visage.
Et si Brightburn : L'Enfant du Mal n'explore qu'en surface ces aspects, se contentant de livrer un thriller efficace, les parallèles tissés, peut être accidentels, ne peuvent que le nourrir et le renforcer, en poussant le spectateur à envisager l'oeuvre d'un oeil neuf...
... Tout en continuant de frémir à l'idée qu'il serait facile, pour un super dévoyé, de jouer avec nous et de mettre notre monde sous sa botte, comme un sale gamin jouerait, sans le moindre affect, à détruire des fourmis.
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