Dommage que l'ambition de plaire de l'auteur l'ai amené à ajouter cette scène d'intro et de fin qui se rejoignent dans une boucle sirupeuse et inutile. Mais si vous les occultez, il reste au final un film tout à fait acceptable. Violent, oui. Maniéré aussi. Dépassé probablement par son statut de multi-production internationale (du moins européenne), certaines scènes semblent abusivement décoratives (celles avec Kit Harrington entre autre) et artificiellement soudées au reste par les obscurs désideratas d'un cahier des charges qui échappent aux spectateurs que nous sommes.
Mais incriminer ou renvoyer un auteur, pour critiquer son oeuvre, à ses éventuelles sources d'inspiration manque singulièrement de finesse. Film "tarantinesque", ai-je lu par ailleurs. Mais d'où sort ce terme sinon de l'envie de réduire le cinéma tout entier à ces 20 dernières années. Admirative de "La nuit du chasseur" je pourrais "accuser" "Brimstone" d'y avoir puisé son point de départ pour en faire une variation heureuse ou pas. Mais voyez-vous, si c'est le cas, grand bien lui fasse. Mieux vaut s'inspirer ouvertement et humblement que de compter parmi ceux qui prétendent produire, tel l'ermite vivant en ascèse au milieu de son temps, touchés par la grâce d'une influence supérieure déguisée en "génie".
On créée car on aime, qu'on connait et qu'on veut perpétuer le médias pour lequel on écrit. Et s'inspirer, c'est l'une des étapes inévitables qui intervient dans le processus, qu'il soit conscient ou non. Et dans les 2 cas il est légitime et sain. Ceux qui le nie, mentent.
Au final, il reste donc un film "chapitré" en 4 parties et usant de la déstructuration temporelle comme bon nombre d'oeuvres antérieures (dont Tarantino n'est pas l'inventeur). Il reste un film où la violence (insoutenable, mais annoncée et prévisible à 3 moments du film en particulier) n'est que rarement gratuite et toujours vraisemblable dans la dynamique narrative mise en place.
Il reste un film où les personnages (mention particulière à la jeune Emilia Jones qui interprète "Joanna" adolescente) et la folie qui les mène semblent tout à fait crédible dans l'univers qui les voit évoluer. Car comme vous devez vous en douter, la violence suggérée ou montrée dans les films est extraordinairement moins violente que celle qui à court dans la réalité.
Depuis longtemps, les auteurs, qui tirent souvent leur inspiration du réel et parfois du fait divers, savent bien que s'ils livraient le monde tel qu'il est (c'est à dire bien souvent gratuit et sordide) dans leurs créations, plus personne ne lirait de livres ou n'irait voir de films. Ils savent qu'ils faut offrir des portes de sortie et des lignes de fuite afin que l'esprit puisse accepter l'exercice du "Il était une fois...". Il faut nous enfermer, nous faire rire, pleurer ou palpiter, puis il faut nous relâcher comme de fragiles papillons de nuit qui n'ont pour s'orienter que la lumière "normalisante" au bout du tunnel.
Et avec "Brimstone" la lumière est bâclée. La fin du chapitre 4 se précipite et accumule des défauts de mise en scène. Mais la lumière est là. Cette lumière prend la forme de cette intro et de cette fin "béatifiante" : Voyez, un prolongement est possible dans les traits de votre progéniture, ainsi les souffrances que vous avez enduré à traverser la vallée du mal vous fera accéder à la lumière (concept en vogue dans les philosophies judéo-crétienns).
Mais sachez-le dans la réalité, il n'y a ni lumière, ni béatitude et la souffrance est toujours stérile. Pire encore, l'obscurité (presque toujours) précède l'obscurité... Pour que ce film soit encore plus beau, violent et proche des contes sombres, son auteur aurait du opter pour une fin tout à fait différente.
J'aurais aimé que l'auteur ose éteindre toutes les lumières : qu'ainsi meurt le petit chaperon rouge emporté dans les flammes par le loup qui refuse de lâcher sa proie et que seule et abandonnée, la fillette, sortant de la cabane, ne trouve devant elle, pour seule horizon, qu'une grande, hypnotique et terrifiante forêt.
Ceux qui trouvent la film de Koolhoven sombre, ne savent pas à quoi il ont échappé si j'avais tenue la plume. Mais ne pavoisons pas. Il est bien plus facile de critiquer une oeuvre une fois fixée sur la pellicule avec tout le recul dont nous, spectateur, disposons dans notre toute puissance... ou presque !