En 1886, au moment où Geronimo se résout enfin à cesser le combat contre l'armée américaine, Massai (Burt Lancaster) est le seul Apache à refuser de se rendre. Capturé non sans difficultés, il est envoyé dans un pénitencier floridien avec tous les guerriers de sa tribu, mais parvient à s'échapper du train qui les y conduit à Saint-Louis, Missouri. Il entame alors le long et périlleux voyage de retour vers le Nouveau-Mexique, croisant quelque part dans l'Oklahoma un couple de Cherokees vivant, comme les Blancs, du travail de la terre. De retour chez lui, Massai s'entête à continuer, seul, la lutte contre les militaires, assistés par l'ignoble chasseur d'Indiens Sieber (John McIntire) et l'éclaireur apache Hondo, traître à sa nation (Charles Bronson, tout jeune). Mais au contact de la douce Nalinle (Jean Peters), otage devenue compagnonne de fuite, l'entêté guerrier va être amené à consacrer son énergie à d'autres causes...
Sorti quatre ans après La Flèche brisée de Delmer Daves et La Porte du Diable d'Anthony Mann, que l'on considère comme les premiers westerns franchement pro-Indiens, Bronco Apache surpasse ses devanciers pour ce qui est de la violence du propos. Très librement inspirée de faits réels, l'adaptation de la vie de ce guerrier donne à Robert Aldrich l'occasion de livrer un réquisitoire sans concessions contre le sort fait aux Apaches après la reddition de Geronimo. Envoyés en Floride, où le climat humide en tua plus d'un, les guerriers furent statutairement considérés comme prisonniers de guerre jusqu'en 1912 (!). Déportés d'un état à l'autre, puis parqués dans des réserves, les vieillards, femmes et enfants ne retrouvèrent leurs hommes que des années plus tard. Privés de leur mode de vie, rééduqués, christianisés, abreuvés d'alcool, les Chiricahuas passèrent tout près de l'extinction.
Le personnage de guerrier insoumis, interprété avec force par un Burt Lancaster maquillé de la tête aux pieds, n'a pourtant rien d'un sauveur. À sa bien compréhensible haine des Blancs se superpose en effet un profond mépris pour ses propres frères ayant rendu les armes. Longtemps aveuglé par sa rage, il ne trouvera de salut que dans l'amour de Nalinle et la promesse de la paternité. Et si la scène finale, au cours de laquelle le duel à mort qui s'annonce entre Massai et Sieber est interrompu in extremis par l'opportune naissance de son enfant, est clairement un happy end de commande, elle ne change pas le fond du message : le personnage principal est certes sauvé, mais sa quête de liberté est bel et bien un échec. Sa peine, on peut le supposer, sera de se plier définitivement au mode de vie sédentaire des Blancs (symbolisé par le champ de maïs) et renoncer une fois pour toutes à son identité indienne. Et il n'y a pas de quoi s'en réjouir : « C’était la seule guerre qu’on avait et j’ai bien peur qu’on n’en ait pas d’autres avant bien longtemps. J’avais du boulot avec eux dans les parages », conclut très, très cyniquement le chasseur d'Indiens.
Troisième film et premier western d'Aldrich, Bronco Apache n'atteint certes pas le sommet que sera, six mois plus tard, Vera Cruz. Non exempt de défauts, comme le happy end évoqué (imposé au réalisateur et à sa star), un personnage principal pour lequel on ressent assez peu de sympathie, un rythme parfois vraiment trop effréné et une utilisation assez peu marquante de la caméra, il s'avère cependant réussi et plaisant. Au-delà de la mise en valeur d'admirables paysages naturels, on retiendra aussi la mise en scène nerveuse, les prestations vibrantes de Burt Lancaster et Jean Peters (presque aussi jolie qu'en jeune mariée dans Niagara), et surtout la force du réquisitoire contre le traitement infligé aux Indiens.