Ce film fait partie des westerns pro-Indiens qui sont apparus dans la décennie 50, et dont le plus étincelant est la Flèche brisée de Delmer Daves en 1950. Avant cette date, le western traditionnel montrait l'Indien du point de vue des Blancs, c'est à dire comme un sauvage à exterminer, qu'il fallait traquer et progressivement réduire à néant ; aussi, en 1954, alors que les westerns opposent encore de valeureux cowboys aux sanguinaires peaux-rouges, Robert Aldrich est l'un des cinéastes de sa génération qui ont réagi contre cette forme de racisme à retardement, qui plus est vis à vis de peuples qui habitaient cette Amérique bien avant l'arrivée des colons.
Aldrich délaisse donc les clichés du genre pour conter le destin légendaire de Massaï, le dernier combattant Apache, juste après la reddition de Geronimo. C'est le portrait d'un rebelle idéaliste et solitaire qui refuse l'exil en Floride et la soumission aux oppresseurs blancs, mais le film pose une question : comment un Apache, fier et irréductible, peut-il s'adapter à une civilisation qui nie les fondements de sa culture et de ses modes de vie ? La vision d'Aldrich sur les guerres indiennes est sans aucun doute plus proche de la réalité que celle de la plupart de ses devanciers, son film a au moins 15 ans d'avance sur son temps en prenant une position très ferme par rapport aux atroces injustices subies par les hommes rouges.
Bronco Apache est l'un des westerns les plus justes consacrés aux problèmes des guerres indiennes, surtout de la fin de ces guerres, lorsque les Indiens survivants, affamés par l'armée américaine, transis, affaiblis, maltraités par des crétins de soldats juste pour s'amuser, et humiliés parce qu'ils sont différents, sont parqués pour être captifs dans des réserves loin de leurs terres natales. Les Apaches étaient un peu comme anachroniques dans cette Amérique de la fin du XIXème siècle où le machinisme commençait à apparaitre, et Aldrich rend justice à Geronimo (qui a longtemps prêché la lutte mais qui a fini par se rendre) et à son peuple, il nous fait entrer dans la mentalité des réprouvés et on comprend pas mal de choses sur ces tribus.
Mais son film n'est pas un film à thèse, c'est aussi un spectacle où il insuffle certes de la psychologie mais aussi des morceaux de bravoure stylisés qui font de Bronco Apache un beau western antiraciste, avec des scènes inoubliables comme celle où Massaï découvre stupéfait, le fracas d'une grande ville comme Saint-Louis, ou encore celle où Geronimo, guerrier déchu en attente de partir pour une réserve, se laisse photographier par une meute de reporters indélicats...
Pour traduire cette fougue, cette ardeur de soif de liberté et ce refus de la captivité, Burt Lancaster est tout simplement formidable dans le rôle de Massaï malgré son maquillage d'Indien, le sujet devait lui tenir à coeur car il est également co-producteur du film, il est aussi bien entouré par de solides acteurs comme la superbe Jean Peters, John McIntire, John Dehner et un tout jeune acteur du nom de Charles Buchinski qui allait devenir peu après Charles Bronson. Un western à la fois tragique, violent et désespéré.