C’est un uppercut dans les yeux, un uppercut dans ta face ; c'est une bravade cinématographique qui secoue sans ménagement (et c’est tant mieux), peut-être aussi un exercice de style perçu, par quelques réfractaires, comme vain et prétentieux, mais un exercice de style de ce style, il en faudrait un tous les jours, surtout si bien agité, si bien traversé d’une telle énergie, d’une telle envergure et d’une telle envie de cinéma. Au cœur de son œuvre frétillante, Nicolas Winding Refn retrace le délire intérieur d’un homme emprisonné (tellement hors la réalité), le rêve d'une gloire héroïque, celui d’un être fou vivant comme s’il était sur scène devant un parterre constamment présent, sans cesse approbateur, toujours clapant des mains. Et sa vie, dès lors, a des allures pétaradantes d’un one man show (auto)biographique plein de sang et de fureur, d’un opéra brutal, vital, où la musique classique sert d’écho à l’emphase de chacun de ses faits, de ses mots et mouvements.

Winding Refn fait de même, électrocute carrément sa mise en scène, la démesure, la déroule, compose ses cadres et ses plans avec mille et un brios et autant d’esbroufe. Bronson a été, légitimement, comparé à Kubrick et Orange mécanique ; critique du système carcéral et d’une société inapte à la réinsertion, bande-son mêlant classique et moderne, goût pour l’ironie distanciée, réalisation maîtrisée, emploi d’une courte focale (les scènes dans la grande salle de l’asile sont, dans leur forme, totalement kubrickiennes), et jusqu’à la superbe photographie de Larry Smith (Eyes wide shut). Tom Hardy (bluffant) peut même, éventuellement, rappeler Malcolm McDowell : les deux surjouent et affolent, irradient, en font des tonnes, se coulent avec frénésie dans l’esprit contestataire et délirant du film.

Mais au-delà de son implacable référence, Bronson possède finalement sa propre vie et ses propres pulsations. Winding Refn fait de son antihéros un phénomène de foire cherchant ce qu’il est, qui il est (scène glaçante et superbe dans l’atelier d’art), un amas de violence aspirant à une célébrité fantoche et maladive, fantasmée même jusque dans les cellules les plus noires et les plus lointaines de toute l’Angleterre. Il en fait aussi une symphonie lyrique, instrument empirique dont la seule liberté serait celle de l’exultation corporelle sans issue, sans limite, sans autre cause à ambitionner qu’une reconnaissance idéale et excessive sublimant toute bestialité. À la fin on s’esbaudit, on chapeau bas de tant de burlesque et d’inventivité, d’un tel biopic échappant aux règles et à une facilité narrative décadente.
mymp
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le 19 oct. 2012

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