La petite musique des films d'Ira Sachs, si élégante dans Love is strange, est de celles qui s'épanouissent avec lenteur. Le constat est valable pour Brooklyn Village (Little Men, son titre original, est plus juste) même si le concerto est ici légèrement moins réussi. Le sujet, celui de la gentrification, n'est pas uniquement new-yorkais mais il y trouve des couleurs et des nuances qui ne seraient pas aussi parlantes ailleurs. Dans Brooklyn Village, les personnages sont "normaux" et réagissent de façon sensée bien que leur comportement soit souvent égoïste. C'est tout l'intérêt du cinéma de Sachs que de faire montre de bienveillance et de ne pas juger. Les deux adolescents qui sont ici spectateurs innocents des actes des adultes sont traités avec pudeur dans cette amitié qui se heurte à des événements qui dépassent la pureté de leur regard. Jamais le film ne cherche à imposer un point de vue. Cette chronique amère peut sembler bien ténue, elle n'en a pas moins une texture solide et riche de nuances.