Brubaker par Gérard Rocher La Fête de l'Art

Un jour de février dans la ferme-prison de Wakefield en Arkansas arrive un détenu répondant au nom de Stan Collins. Les prisonniers que découvre Stan Collins vivent dans un véritable enfer. Les conditions de détention sont ahurissantes avec la crasse ambiante, la nourriture infecte et la cruauté des gardiens. Les tortures sans raison sont monnaie courante avec la bénédiction d'un directeur tyrannique et sanguinaire. Le nouveau venu découvre également l'organisation d'une mafia interne composée de gardiens et d'autres détenus privilégiés, chargés de dénoncer et d'assouvir leur soif de vengeance. Stan Collins observe les lieux avec attention et tente de découvrir la vie et les habitudes de tous ces hommes, prisonniers et personnel pénitentiaire, et cela lui sera très utile, d'autant plus utile que cet homme un peu différent des autres par son comportement de nomme Hernry Brubaker, le futur directeur de la prison. Révolté par le spectacle pitoyable que lui offre Rouch, le directeur actuel, et ses sbires soutenus par les autorités locales, il va instaurer le dialogue avec les détenus et tenter de réformer l'établissement afin de leur offrir des conditions décentes de détention. L'opération s'avère concluante, pourtant la hiérarchie et certains élus mafieux ne l'entendent pas de cette oreille...

Réellement, en 1967, dans un centre pénitentiaire américain, un nouveau directeur est nommé et ses méthodes favorisant le dialogue et l'aspect humanitaire avec les détenus sont très décriées par les conservateurs. Cet homme novateur, qui sera limogé de son poste se nomme Thomas O. Morton. Il écrira un livre sur ces évènements dont le présent film s'inspire. C'est vrai, Brubaker débarque dans un enfer que se plaît à gérer Rouch, un sombre individu imbu de sa personne. Cette sinistre prison, digne d'un camp de concentration, est son domaine. Il a créé autour de lui une mafia constituée de matons, mais aussi de prisonniers privilégiés, en échange de quelques basses besognes envers leurs compagnons d'infortune. Quelle que soit la faute commise, à la vue de ces images on ne peut que plaindre ces hommes rongés par les aléas de leur existence carcérale. En fait, la prison de Wakefield est comme tant d'autres un lieu de perdition et non un endroit de réinsertion. Dans cette histoire véridique, on est amené à constater que des politicards manipulent sans vergogne de pauvres types qui se chargent de commettre la sale besogne en se prenant pour des shérifs, se sachant intouchables. Ainsi se montrent-ils aussi coupables à titres divers que ceux qu'ils enferment en leur faisant subir de multiples sévices au sein des baraquements insalubres et sinistres. C'est pourquoi ces détenus ne songent qu'à deux choses: le suicide ou la rébellion tant leur existence est sans issue. C'est alors que Henry Brubaker va prendre les rennes de la prison et tenter de dialoguer avec ces âmes perdues. Il va les responsabiliser en leur inculquant le goût du travail, il va également leur apporter un certain confort en rétablissant l'hygiène et en améliorant la nourriture. Le système fonctionne, mais l'opposition dirigée par un groupuscule local et raciste, plein de mépris et de lâcheté, ne laissera pas cette expérience poursuivre son évolution. Henry Brubaker est débarqué, un autre "dictateur" prend à son tour le commandement de l'établissement. Toutefois le plus important est à venir, les détenus ont enfin pris confiance en eux. Désormais, ils osent manifester leur sympathie envers celui qui a tant fait pour le respect des êtres humains en difficulté. Ainsi, pour ceux-ci et pour d'autres peut-être "AVENIR" ne sera pas un vain mot.

C'est avec beaucoup de talent et de courage que Stuart Rosenberg a porté ce récit à l'écran. S'agissant de démontrer les atrocités commises dans une certaine prison des États-Unis, le réalisateur dévoile, avec brio, le laxisme et la lâcheté de l'administration pénitentiaire n'étant, en définitive, que l'émanation d'une classe fière de ses rivilèges, mêlant la justice à la couleur de peau et à la condition sociale. Il est vrai que tout coupable d'une faute doit payer son dû à la société, c'est la loi la plus élémentaire. Mais l'incarcération peut se révéler nocive si elle ne parvient pas à "recadrer" un individu en lui assurant un avenir. Et c'est encore loin d'être actuellement le cas. L'oisiveté et l'enfermement accompagnés d'un manque d'hygiène, dans des cellules surchargées, ne peuvent qu'engendrer la violence et la récidive lors de la libération. Cette oeuvre, comme tout film à message, est peut-être trop caricatural. Toutefois la démarche est tellement sincère que l'on pardonne facilement ce petit pêché.. . Dans cette réalisation, à la mise en scène efficace et au sujet passionnant, il faut bien entendu saluer la performance de Robert Redford dans le rôle titre. L'acteur est d'autant plus convaincant qu'il est personnellement impliqué dans cette cause et parvient à transmettre toute l'énergie et la volonté d'Henry Brubaker. Il est fort bien entouré par Yaphet Kotto, formidable acteur interprétant ici le rôle de Richard "Ducke", un prisonnier rebelle et attachant, qui maintiendra l'espoir de ses compagnons. Jane Alexander tient fort bien son rôle de "médiatrice" entre les autorités et Brubaker, néanmoins elle réussira moins bien à convaincre ce dernier de négocier avec sa hiérarchie.

La scène finale est tout un symbole, celui de l'espoir et de la fierté retrouvés. A notre époque, Henry Brubaker reste un personnage d'actualité. De nombreux évènements le confirment. Il existe certainement de par le monde d'autres Wakefield et c'est bien sûr inadmissible. C'est pourquoi je soutiens vivement ce film passionnant et courageux, défendant une cause reconnue par beaucoup, mais à tort, comme infondée .
Grard-Rocher
7
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Créée

le 20 oct. 2013

Modifiée

le 26 avr. 2013

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