Buck and the Preacher a le mérite d’aborder un thème délicat et rarement abordé dans les westerns : le sort des esclaves affranchis après la guerre de Sécession. Le président Lincoln avait promis : «Quatre acres et une mule» pour se bâtir un avenir, mais les choses n’étaient pas si simples. Ici, l’histoire met en scène un groupe d’anciens esclaves se mettant en marche vers l’ouest mais poursuivi par des rabatteurs esclavagistes qui ne sont pas prêts à laisser ainsi partir la main d’œuvre.
Ce western a un autre mérite, il est réalisé par Sydney Poitiers, un afro-américain qui pouvait aborder ce thème avec ses tripes. Le réalisateur prévu initialement, Joseph Daniel Sargent, n’ayant pas plu aux producteurs qui le mirent à la porte.
Si le thème fait preuve d’originalité, l’ensemble est malheureusement un peu mou aussi bien concernant le rythme, les bagarres, que le jeu des acteurs pas très convaincant, en dehors de Sidney Poitier et Harry Belafonte dont les tempéraments opposés de leurs personnages se heurtent.
On a affaire à un film à petit budget. Cependant il n’est pas dénué de qualité.
- La réalisation est soignée avec de beaux plans larges ou rapprochés, la mise en valeur des paysages.
- Les séquences avec les amérindiens sont intéressantes, loin du traitement folklorique dont ils font souvent l’objet dans les westerns. Les personnages sont joués ici par de véritables amérindiens, les dialogues sont réalistes et intelligents, mettant le doigt sur la complexité de la situation : bien que les deux peuples soient opprimés de façon spécifique, il ne va pas de soi pour les amérindiens de collaborer avec les afro-américains.
- La musique est de qualité, bien dans le ton des westerns. Elle a été composée par un grand musicien de jazz afro-américain, Benny Carter. Elle apporte un supplément d’âme à ce petit western de blaxploitation qui reste plaisant à regarder et à découvrir quand on est amateur du genre.
Il est dommage que cette œuvre n'est pas été davantage soutenue. Harry Belafonte exprimera ainsi son regret :
« Le plus gros coup dur fut de ne pas avoir le soutien de la communauté noire. J’ai alors commencé à me sentir trahi. Je me disais : « Pourquoi notre communauté ne soutient pas ce film ? Comme les blancs auraient soutenu Butch Cassidy et le Kid, c’est juste notre version. » Mais non. J’ai alors appris que j’avais plusieurs ennemis : l’image que la communauté a d’elle-même, et le regard du monde sur notre communauté. »