Un délicieux surréalisme se met à table.
"Vive le cinéma Français" disait les Inconnus au travers de sketchs fustigeant son penchant pour les films faussement intellectuels ou à l'eau de rose.
C'est vrai que si on fait un détour dans nos salles obscures préférées, on retrouve tous les ans les mêmes merdes. Il y aura une comédie romantique à la Hors de prix. Il y aura une pitoyable imitation américaine similaire à Taxi. Il y aura du rire grossier comme dans La vérité si je mens!. Et des réalisations d'auteurs pédantes et surfaites telles que Des hommes et des dieux.
Mais si on farfouille sur une chaîne cablée ou dans un vide grenier, on s'aperçoit que notre 7ème art cache des créations qui lui donnent toutes ses lettres de noblesse. A ce titre, l'oeuvre de Bertrand Blier élève au rang d'art la farce loufoque.
"Mais si prenez-le, c'est un bon couteau, faites-moi plaisir. Mais j'ai pas besoin de couteau".
La scène d'ouverture, pour moi l'une des plus belles qu'il m'ait été donné de voir, annonce clairement la couleur. C'est du grand n'importe quoi et dans les deux sens du terme. Ça transpire le non-sens. Ça déborde d'inventivité.
Une combinaison qui aurait très bien pu nous péter à la gueule et nous laisser dans la plus grande confusion. Il n'en est rien. Les acteurs s'amusent, et le spectateur aussi.
"Le pauvre bougre il a ramassé un coup de couteau dans le ventre, et pis ce qui m'emmerde, c'est que le couteau c'était le mien. Et alors? Bah mettez-vous à ma place, je me pose des questions".
Visez un peu ce que nous réserve ce buffet: un voyou qui va se lier d'amitié avec l'assassin de sa femme et qui ne voit aucun inconvénient à le consoler de son meurtre. Un commissaire qui entend tout de leur conversation mais qui n'a que faire de tels aveux, car il coffre toute la journée et tue des violonistes. Une veuve qui tout naturellement se met en couple avec celui qui vient de lui arracher son mari.
"C'est pas bon? Si. Bah alors pourquoi vous tirez cette gueule d'enterrement? [...] Je pense à elle. A qui? A votre femme. Oh bah faites comme moi mon vieux oubliez-là".
Autant d'associations improbables pour un résultat tout simplement jouissif. L'humour noir ne semble avoir aucun secret pour le réalisateur. Chaque scène est à se rouler par terre. Les dialogues, anthologiques à chaque ligne, y sont pour beaucoup.
"Nous remercie pas trop vite. Pourquoi? Bah parce qu'on s'est foutus de ta gueule. C'était pas lui? Nan".
Le côté surprenant et imprévisible du script aussi. Les personnages font plusieurs fois face aux mêmes situations mais réagissent toujours différemment. Sans difficulté, ils nous tiennent en haleine tout le long et on se demande sans arrêt avec le sourire ce qu'ils mijotent.
"Il y a de la texture, des saveurs... Nan vraiment là je crois qu'on a affaire à un grand plat".
A la croisée de Chat noir chat blanc, Un poisson nommé Wanda et Turtles are surprisingly fast swimmers, cette pellicule ne laissera personne indemne.
Il est temps d'arrêter les rediffusions omniprésentes et systématiques du Père noël est une ordure.
Hilarant et marquant, Buffet Froid a bien trop de goût pour ne pas être servi à toutes les sauces.
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